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Critique de Apoapo


D-R Dufour soutient d'un point de vue de philosophie politique la double thèse qu'il existe une parenté intime entre libéralisme et perversion, et que la société néolibérale actuelle a atteint un degré de perversion, prédit et prôné activement par Sade en son temps, tel qu'il justifie la qualification spécifique de "société pornographique", parce que fondée sur l'impératif "Jouis !".
L'essai, constitué de 301 fragments de longueur, intérêt et surtout contenus extraordinairement variés, se compose de la manière suivante :
1 - un long prologue de nature plutôt pamphlétaire propose, par une multiplicité d'événements afférents à l'actualité la plus récente (crise économique de 2008, etc.), d'étendre le sens du terme "pornographie" à un vaste champ sociétal ; cette partie possède les attraits mais aussi toutes les limites du genre...
2 - (la plus conforme à mes goûts) une solide analyse d'histoire de la philosophie qui démontre avec force la filiation entre Pascal, Nicole, Mandeville, Adam Smith et d'autre part Sade, auquel la plus grande partie de l'ouvrage est consacrée ; le fondement de cette parenté est repéré dans la dichotomie augustinienne entre "amor socialis" et "amor privatus", ainsi que dans la caractérisation du fil rouge de la perversion sous forme de trois libidos: "libido sentiendi" (les sens), "libido dominandi" (l'avidité puis "main invisible"), "libido sciendi" (le positivisme après la domination cartésienne de la nature par l'homme).
3 - "1929-1960 : Sade, le retour" comprenant une analyse économique sérieuse et originale de la crise de 1929 - qui explique pourquoi, contrairement aux analyses marxiennes, elle ne provoqua pas l'effondrement du capitalisme - ; une intéressante partie sur les contributions de l'école psychanalytique étasunienne sur la sortie de cette crise ; et une longue partie sur la redécouverte et revalorisation de Sade de la part des intellectuels français des années 60, en particulier Bataille et Lacan (très longue et détaillée, la démonstration du fourvoiement de Lacan sur Sade...)
4 - "Aujourd'hui" : partie la plus fastidieusement hétéroclite, dont je retiens : encoreLacan (et Freud) pour une définition psychanalytique pointue de la névrose, psychose et perversion dans le cadre de la "structure de subjectivation", des notes assez discutables sur le transsexualisme, l'art contemporain, la littérature pornographique et enfin une rapide analyse de cas d'une jeune femme (Angélique) atteinte d'attaques de panique.
5 - un Epilogue, qui constitue une admirable synthèse de l'ouvrage en 13 points, sauf pour son ton un peu trop inspiré par l'Apocalypse biblique à mon sens (une référence totalement inattendue jusque là...)

Une seule cit :
"Aujourd'hui, nous en sommes à un nouveau contrat qui aligne d'un côté l'hyperbourgeoisie et, de l'autre, non plus le producteur mais le consommateur prolétarisé. Et ce que l'hyperbourgeoisie signifie alors, ce n'est plus "Travaille pendant que je m'occupe des arts", c'est : "Consomme et regarde bien comment, moi, je jouis. Et tâche donc d'en faire autant, dans la mesure de tes moyens !" " (p. 36)
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