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Critique de emi66


André Breton a-t-il dit passe et ce fût l'émerveillement, la connaissance, la joie (mais aussi la rage parfois), l'introduction à la Voie, celle que seulement quelques privilégiés atteignent, comme un certain Charles Duits.
Le livre raconte la rencontre de Charles Duits avec André Breton à New York (la « ville sans femme »), suite à une lettre que le jeune Charles rédigea le 2 septembre 1942 et dans laquelle quelques petits poèmes furent destinés au poète. Tout séparait l'un de l'autre : «la mer et les canons de l'Allemagne (…) comme la mort me séparait de Nerval, de Baudelaire, de Comte, De Lautréamont, de Rimbaud. » Malgré ces écueils présupposés, Breton dit passe à Charles avec une « tranquillité parfaite ».
Ce sera depuis une relation extraordinaire qui s'instaurera entre les deux personnes, entre les deux écrivains, entre les deux membres d'un groupe sacré (« les hommes et femmes de la tribu »). Extraordinaire mais problématique comme puisse l'être toute relation contingente qui se restreint à la parole dans un monde où « l'implicite toujours l'emporte sur l'explicite ». Car Breton est plus, beaucoup plus que l'homme du monde ou l'intellectuel reconnu, il est le Poète et habite la maison dans laquelle Charles veut rentrer : « j'étais « enfin » chez moi, à ma place, j'étais entré dans le monde qui désormais allait être le mien ».
Si vous êtes un lecteur qui cherche la lecture d'une correspondance ou la description d'un chemin de vie ou, encore, les complicités/divergences intellectuels entre deux êtres, passez votre chemin. La lecture de cette oeuvre se situe ailleurs, dans un plan spirituel où il est question de dépossession, d'explication métaphysique : « je ne fais pas le portrait de Breton ; je fais (je tente de faire) le portrait de son portrait ». Image déformée, donc, dans ce sens que la forme restreint la réalité des choses et empêche l'avènement du Possible « le Possible, le père de l'Être ! »
On suit le parcours de Duits dans l'Amérique en temps de guerre et ses fréquentations privilégiés avec le cercle des surréalistes autres que Breton (Ernst, Tanguy, Duchamp) ou avec le créateur de la Quatrième Voie, Georges Gurdjieff (impressionnant le passage où celui-ci se fait une incision dans le poignet qui cicatrise à l'instant grâce à sa force psychique !). Sont évoqués aussi la brouille avec Breton, l'expérience du Peyotl chez Duits (voir son Pays de l'éclairement), le rapprochement de la folie qui s'ensuit et sa décision finale de rester du côté de la raison et la vie, même si le prix à payer fut ‘une heureuse servitude ».
De retour en France, Duits reverra le Poète, un homme vieillissant, affaibli mais possesseur d'un aura lumineux. Leurs dialogues, comme à l'époque de la jeunesse, continueront à fleurer la réalité sans la saisir, à rôder autour des choses dispensables. Quelle importance, la présence est ailleurs, la communication aussi ! Quelle importance si la fin nous est connue, si nous l'attendions, si nous la craignions : Duits la raconte comme n'importe qui aurait pu la raconter, à travers la lecture d'un journal quelconque dans un ville quelconque : ANDRÉ BRETON EST MORT. Quelle importance, le Poète lui avait-il dit passe.

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