Ma connaissance de l'oeuvre du prolixe écrivain français se limitait jusqu'à présent aux « Trois mousquetaires » version Bibliothèque verte. Autrement dit pratiquement rien. Pour mes quasi premiers pas dans la découverte d'
Alexandre Dumas, j'ai choisi «
le Capitaine Pamphile », attiré par la quatrième de couverture qui annonçait un récit « plein de gaieté et de verve, de burlesque parodique », mais aussi « une oeuvre sombre », « un chef-d'oeuvre unique chez Dumas » qui « aurait pu être signé de Sterne, ou de Swift ». C'est plus qu'il n'en fallait pour me décider.
«
le Capitaine Pamphile » contient deux récits imbriqués l'un dans l'autre. Dans l'un, le narrateur,
Alexandre Dumas lui-même, raconte les aventures tragi-comiques de divers animaux, Gazelle la tortue, Mlle Camargo la grenouille, les singes Jacques Ier et Jacques II, et l'ours Tom. Ces bêtes sont le jouet de leurs passions bien humaines et les victimes de la cruauté et de la bêtise des hommes. Elles appartiennent à un ami d'
Alexandre Dumas, le peintre Decamps, dans l'atelier duquel se réunit une joyeuse compagnie d'artistes et de scientifiques. L'un d'eux, Jadin, se propose de lire les aventures du Capitaine Pamphile, dans lesquelles on apprend entre autres choses comment Jacques Ier et Tom sont arrivés chez Decamps. C'est le deuxième récit.
Le Capitaine Pamphile (« aime tout ») porte bien mal son nom. Cet intrépide Provençal fort en gueule commande le brick de commerce la Roxelane. Sa conception du commerce est toutefois fort singulière puisqu'il n'hésite pas à arraisonner et alléger de leur cargaison tous les navires qui ont le malheur de croiser sa route. On le voit aussi, entre Afrique, Amérique et Europe, se livrer à des parties de chasse homériques, affronter une mutinerie, s'échouer sur une baleine, échapper à des Indiens Hurons, se faire passer pour un membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, provoquer une guerre entre tribus africaines, faire la traite des esclaves, devenir cacique et arnaquer les royaumes d'Angleterre et d'Ecosse.
On aurait tort de voir dans «
le Capitaine Pamphile » un simple récit d'aventures à destination des enfants. Au-delà des péripéties rocambolesques, drôles et enlevées propres à ce genre perce une ironie mordante qui vise cette classe montante de marchands et capitalistes qu'aucune considération morale ne peut arrêter sur la route du profit.
le Capitaine Pamphile en est l'archétype, certes caricatural, qui tue, vole, exploite, extorque et escroque avec une parfaite bonne humeur. Ainsi va le monde à l'aube du capitalisme triomphant. Dans ce contexte, l'auteur propose sa vision sa vision romantique des artistes et intellectuels, dernier refuge contre la barbarie naissante. Qui, de l'homme ou de l'animal, est le plus bestial, semble nous demander Dumas ? Une lecture très réjouissante.