Monsignor Perelli eut un jour un autre triomphe qui ne fit pas moins de bruit que celui-là. Il éclaircit d'un seul mot un grand point de l'histoire naturelle resté obscur depuis la naissance des âges.
Il y avait réunion de savants aux Studi, et l'on discutait, sous la présidence du marquis Arditi, sur les causes de la salaison de la mer. Chacun avait exposé son système plus ou moins probable, mais aucun encore n'avait été d'une assez grande lucidité pour que la majorité l'adoptât, lorsque monsignor Perelli, qui assistait comme auditeur à cette intéressante séance, se leva et demanda la parole. Elle lui fut accordée sans difficulté ni retard.
- Pardon, messieurs, dit alors monsignor Perelli ; mais il me semble que vous vous écartez de la véritable cause de ce phénomène, qui, à mon avis, est patente. Voulez-vous me permettre de hasarder une opinion ?
- Hasardez, monsignor, hasardez, cria-t-on de toutes parts.
- Messieurs, reprit monsignor Perelli, une seule question.
- Dites.
- D'où tire-t-on les harengs salés ?
- De la mer.
- N'est-il pas dit dans l'histoire naturelle que ce cétacé se trouve dans les mers, et presque toujours par bandes innombrables ?
- C'est la vérité.
- Eh bien donc, reprit monsignor Perelli satisfait de l'adhésion générale, qu'avez-vous besoin de chercher plus loin ?
- C'est juste, dit le marquis Arditi. Personne de nous n'y avait jamais songé : ce sont les harengs salés qui salent la mer.
Et cette lumineuse révélation fut inscrite sur les registres de l'Académie, où l'on peut encore la lire à cette heure, quoique je sois le premier peut-être qui l'ait communiquée au monde savant.
Le peuple est en général aux mains des rois ce qu'un couteau bien effilé est aux mains des enfants : il est rare qu'ils s'en servent sans se blesser.
Nos théâtres sont régis constitutionnellement, nos directeurs règnent et ne gouvernent pas, suivant la célèbre maxime parlementaire. L'imprésario italien est un despote, un czar, un sultan régnant de droit divin dans son théâtre, n'ayant, comme les rois les plus légitimes, d'autre règle que sa propre volonté et ne devant de compte de son administration qu'à Dieu et à sa conscience. Il est à la fois un exploiteur habile et un père indulgent, un maître absolu et un ami fidèle, un guide éclairé et un juge incorruptible.