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Critique de Musa_aka_Cthulie


Un homme, une femme, le hall d'un hôtel. Les deux personnages se croisent quelques heures seulement après leur divorce, à Évreux où ils ont vécu ensemble et où ils sont revenus, chacun de leur côté, apparemment uniquement pour les formalités juridiques, après deux ans de séparation. Elle cherche à l'éviter, lui cherche à rester en sa compagnie, à parler avec elle. Ils reviennent, assez vaguement, sur leur vie commune, leur séparation.

C'est une pièce très courte, même pour Duras, sans doute à cause du format imposé : elle l'avait d'abord écrite pour une série radiophonique intitulée Love Story (oui, oui). Elle présente des thèmes qui reviennent inlassablement dans son oeuvre : l'amour impossible, surtout, la distance qui s'installe entre deux personnes très proches, l'emprise des contraintes sociales sur les individus au risque de les briser. le motif de la ville de province est aussi une récurrence, ainsi que les procédés dramatiques : silences, phrases interrompues, vouvoiement, et parfois un certain flou des propos. Pour autant, il ne me semble pas que ce soit une grande réussite de l'auteure.

Le vouvoiement, d'abord. Duras l'utilise ici pour introduire une distance entre les deux personnages, ce qu'elle reprendra dans Agatha, entre le frère et la soeur. On comprend bien l'intention, mais comme ça, d'emblée, et comme dans Agatha - peut-être même plus -, j'ai trouvé ça très agaçant, bien trop artificiel. Tout m'a semblé trop artificiel. Duras jongle entre son style épuré et pas très naturel (ce qui ne me dérange pas en soi) et une tendance à la banalité dans le dialogue, qui n'a pas bien fonctionné pour moi. Surtout, je n'ai absolument pas ressenti ce qu'on est censé ressentir devant ce texte, à savoir la passion amoureuse qui lie pour toujours les deux personnages, et qui se réveille brutalement juste après la légalisation du divorce. Même les cris de l'homme à la toute fin, et les derniers mots de la femme, ne m'ont pas tellement convaincue. Sans doute parce que l'ensemble reste très froid. Je veux bien que l'idée soit celle d'une passion larvée, réprimée, mais enfin, il faut bien que les sentiments sortent d'une façon ou d'une autre, et j'ai 'impression que le jeu des acteurs, avec des dialogues pareils, ne peut pas suffire, et peut même encore plus entraver cette expression d'une souffrance qu'il est déjà difficile de capter.

Les thèmes que j'ai évoqués ne sont que peu développés au final. La faute à la brièveté de la pièce ? Je n'en suis pas si sûre. J'ai la sensation que Duras s'est mal adaptée à sa commande, ce qui a eu pour conséquence la création d'une oeuvre inaboutie - certes, elle écrira plus tard La Musica Deuxième, mais là, tout de suite, on s'en fiche, et c'est la même chose pour le film qu'elle tournera ; d'autant que je pense le plus grand mal des films de Duras -, que la pièce qu'elle a écrite ici n'est qu'un pâle reflet de ce qu'on peut retrouver dans d'autres oeuvres de l'auteure, traitées de façon plus approfondie, et, ce qui n'est pas un détail, à l'atmosphère bien plus prenante. Une pièce qui vaut finalement davantage pour sa place dans le corpus durassien et ce qu'elle en révèle, que pour elle-même.



Challenge Théâtre 2018-2019
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