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Critique de tamara29


Un grand merci à Babelio et aux Editions Casterman pour l'adaptation en bande-dessinée par Virgile Dureuil du récit de voyage de Sylvain Tesson « Dans les forêts de Sibérie ».
Je n'ai pas encore lu ce récit de Sylvain Tesson. Alors, c'est quasiment aussi blanche que la neige que je commence cette BD retraçant les 6 mois pendant lesquels Sylvain Tesson est parti en Sibérie, s'isoler, loin de la civilisation. Une envie, un défi.
Dans ses bagages, de quoi tenir pendant ses longs mois glacés (de février à juillet) : des kilos de pâtes, des bouteilles de vodka, des livres (Thoreau, Whitman, en passant par Lawrence, Sade et Tournier), un couteau, un cahier. Six mois dans une cabane construite au flanc de la montagne et des cèdres, face au lac Baïkal, loin des centres commerciaux, d'internet, des objets connectés, des transports en commun aux heures de pointe...
Rapidement on s'immerge, on s'isole avec lui. On s'enfonce dans la neige, on ressent le froid et le silence et on prend un rythme de vie plus lent (au fur et à mesure de ma lecture, je me pelotonne plus encore sous mon plaid alors que l'hiver est doux dans l'hexagone, mon café noir pas loin. P'te joueuse, un billet écrit agrémenté d'un ou deux verres de vodka à la place du breuvage torréfié aurait été sûrement plus drôle mais moins compréhensible).
Quelques rares passages de voisins russes ou d'amis, des soirées à se réchauffer à la vodka, à se saouler un peu, beaucoup, peu de mots (le strict minimum) et le reste du temps à pêcher, marcher dans la neige épaisse ou sur la glace pendant des heures et des jours, lire, écrire, voir s'égrener parfois les heures. Des heures, des jours, du temps pour appréhender cette vie, loin du monde, bien loin de cette vie tourbillonnante, affolante, hyperconnectée (pour ne pas dire hyperdéconnectée à la vie), prendre la mesure de ce qui nous entoure, de ces petites choses qu'on ne prend plus le temps de regarder et puis aussi réfléchir à ce que l'on vit, à ce que l'on est, à nos désillusions et à tous nos rêves encore tenaces.
Depuis combien de temps n'avons-nous pas passé une journée sans regarder notre montre, sans s'être connecté sur internet, sans avoir encore bouffé de la télé, sans avoir regardé plus de cinq secondes des petits oiseaux sifflant sur une branche, sans avoir pris le temps de s'asseoir sur un banc et d'observer la vie tout autour, sans avoir admiré le ciel au lever du soleil ?
J'ai apprécié le récit de Tesson à travers le dessin de Dureuil. Des planches qui présentent, mois après mois, le vécu de l'écrivain-voyageur. On le suit, on le regarde durant ses activités quotidiennes, celles nécessaires pour vivre (pêcher, couper du bois, boire, dormir) ; les gestes, l'effort et la fatigue (qui donnent sûrement un goût plus savoureux au poisson pêché, au feu qui nous réchauffe, aux moments de repos mérité). Les dessins de Dureuil qui appellent à apprécier plus encore le texte de Tesson et révèlent l'isolement, la lenteur, la liberté et la beauté du monde (de la Sibérie en l'occurrence).
Bien entendu, durant ces six mois, la solitude s'est faite parfois aussi mordante que le froid sibérien. Et même la vodka pour oublier n'y suffisait pas. Parce que la solitude -même recherchée- parle aussi de l'absence de l'autre, parle aussi de ses instants d'émotion qu'on ne peut partager. Et son séjour aurait été plus éprouvant sans les deux chiens Aïka et Bëk qui l'accompagneront à partir du mois de Mai.
Au-delà d'une critique amère sur la société de consommation (ses excès, ses dérives, son non-sens), c'est aussi une ode à la nature et à la vie. C'est aussi une réflexion sur nos choix de vie, sur une conception de la vie, sur le sens de la vie.
Une lecture qui pourrait nous aider à prendre et tenir les bonnes résolutions en ce début d'année. Petite précision à ceux qui auraient encore la tête brumeuse après les festivités du réveillon : je ne parle, bien entendu, pas de se mettre à la vodka ni de relever le défi d'aller croiser des ours par moins 20°C. (Mais, bon, chacun fait ce qui lui plait). Non, je parle de résolutions en rapport à notre façon de vivre et les comportements à adopter ou à multiplier. Aller se balader, s'aérer la tête, laisser son coeur battre à un autre rythme, prendre le temps de regarder le monde et s'en émerveiller. C'est se rappeler que des petits moments de la vie recèlent d'intenses richesses.
J'en profite pour vous souhaiter (que vous ayez pris ou non ces ‘'bonnes'' résolutions) une très belle année 2020 et tout un tas d'émerveillements ainsi qu'à Babelio qui est souvent notre Père-Noël tout au long de l'année. (Je ne vais pas me mentir, Internet, ça a quand même du bon quand on peut échanger avec des amis, des lecteurs sur nos plaisirs « littéraires » !)

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