Geoff Dyer, né en 1958 à Cheltenham, est un écrivain britannique. Enfant d'un père tôlier et d'une cantinière en milieu scolaire, il obtient une bourse pour étudier l'anglais au Corpus Christi College de l'Université d'Oxford. Une fois ses études terminées, il part pour l'Amérique où il devient conservateur en chef chez Saatchi Art de Los Angeles.
Ici pour aller ailleurs, paru cet automne, est un recueil d'articles pour divers magazines remaniés pour l'occasion.
Un peu moins d'un dizaine de textes de voyages, mais pas dans le sens traditionnel où les voyages vous font rêver ou frémir, l'auteur adopte une approche plus intellectuelle – néanmoins très abordable par tous – faite d'interrogations du genre « où allons-nous ? » et son corollaire « où n'allons-nous pas ? », sur le temps qui passe etc.
Ces récits sont sérieux pour certains, plein d'humour pour d'autres, les deux à la fois souvent. Les voyages vont nous mener à Pékin et la visite de la Cité interdite avec une jeune guide qui va faire battre le coeur de l'Anglais ; dans la ligne souriante encore, cette escapade au Nord de la Norvège où il fait un froid de gueux pour que sa femme puisse voir une aurore boréale. Là nous avons l'angle classique des récits de voyages.
Plus pointu, ce séjour en Polynésie pour le centenaire de la mort de Gauguin, ce qui nous vaut un portrait cocasse du peintre émoustillé par les vahinés : « Et tout en cherchant à comprendre ce qui se passait dans leur tête, il ne dédaignait pas de leur mettre la main dans la culotte, ce que les autres colons jugèrent d'un oeil sévère et possiblement envieux. » Ca se complexifie avec des visites de lieux pour y admirer du land-art : Spiral Jetty (« Jetée en spirale ») est une oeuvre de Land art réalisée par le sculpteur américain
Robert Smithson au bord du Grand Lac Salé en avril 1970, ou encore The Lightning Field créée en 1977 par Walter de Maria et installée au Nouveau-Mexique, aux Etats-Unis.
Peut-être préférerez-vous visiter la maison de
Theodor Adorno, le philosophe allemand, à Los Angeles. A moins que ce ne soient les Watts Towers dans cette même ville. Si tout l'ouvrage ne mégote pas avec les références culturelles littéraires, cinématographiques voire photographiques, ces deux récits font appel à ses profondes connaissances du jazz. Il y aborde entre autre, un point qui m'a particulièrement intéressé car commun à ma propre expérience (moi dans le registre du rock), comment des photos de pochettes d'albums de disques peuvent nous inciter à aller voir sur place ces lieux…
Le livre est très bien écrit, intelligent mais bourré de cet humour british impayable ; on suit
Geoff Dyer avec curiosité, étonné par son regard original sur les choses et les lieux, son caractère « discutable » (souvent prêt à critiquer) ou même peu charitable (quand il abandonne un autostoppeur dans une station service et s'en félicite ! A sa décharge, il avait une excuse ( ?) et vous la découvrirez dans un texte limite angoissant, voir pour ceux qui connaissent « Riders On The Storm » des Doors).
Attentes contrariées et espoirs déçus, interrogations existentielles, tentatives pour comprendre ce qu'un lieu donné signifie et pourquoi nous nous y rendons, telles sont les grandes lignes de cet ouvrage original ne manquant pas d'intérêt.