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Critique de Petitebijou


J'ai rencontré Bob Dylan à l'âge de 11 ans, au travers d'une photo dans un magazine papier de variétés. A cette époque, chaque soir en rentrant de l'école, j'écoutais le hit-parade de RMC, et connaissais aussi parfaitement les tubes français que j'ignorais tout de la pop music. Sur cette petite photo, en haut à gauche de la page, se trouvaient trois musiciens : Georges Harrisson, Bob Dylan et Leon Russel. Ces trois parfaits inconnus pour moi venaient de donner un concert en aide au Bengla Desh, inaugurant l'ère des Band Aid. Cette photo était en noir et blanc, et j'ai été frappée par le regard perçant de Bob, ces yeux que je devinais bleus. L'adolescence pointant son nez depuis peu, je fus émoustillée par le bonhomme. Par une belle conjonction, j'avais reçu depuis quelques mois mes premiers cours d'anglais, ma première langue étrangère, et j'avais senti un frisson particulier à l'apprentissage de mots et sonorités différentes pour exprimer, à cette époque, les objets et les faits du quotidien. Une fois par mois, j'avais l'autorisation de choisir un disque au supermarché, et un samedi je me fis acheter par ma mère un double vinyle, un "best of" de Bob Dylan. Les chansons dataient de 1961 à 1971. Comment expliquer ce mystère ? Il se produisit un téléscopage : la voix de Dylan, les mots anglais que je ne comprenais pas dans leur globalité, mais certains que je reconnaissais, la longueur inhabituelle de certaines chansons qui m'en faisait pressentir la poésie, et la musique bien sûr, qui collait si bien à ces sonorités inouïes pour moi. Alors, oui, je peux dire que j'ai aimé les chansons de Dylan, que j'en ai "pressenti" la poésie avant même d'en lire et comprendre les paroles et les images... Pour toujours cette révélation dylanesque coÏncidera pour moi avec la mutation de l'adolescence. Ainsi, en quelques jours, je passais de Gérard Lenorman, Daniel Guichard, Stone et Charden (!)... à Bob Dylan. Autant dire que mes parents se sont un peu inquiétés...
Quelques temps plus tard je me fis offrir un livre de Jacques Vassal présentant les principales chansons de Dylan et leur traduction, et j'eus la confirmation de ce que j'avais pressenti. Dylan était bel et bien un poète. Même si vous n'appréciez pas la voix nasillarde et écorchée du chanteur, je vous encourage à lire sa poésie. Elle vaut le détour. Bien sûr, comme tous les chanteurs poètes de sa génération, Dylan a "ouvert" son esprit au moyen de toutes les drogues possibles, mais après tout Verlaine, Rimbaud, Baudelaire ont usé eux aussi de paradis artificiels ! et si la drogue suffisait à donner du talent, ils seraient nombreux au panthéon...Certaines chansons de Bob Dylan sont de véritables bijoux : "Love minus zero", "Sad-eyed Lady of the Lowlands", "Visions of Johanna", "Desolation Row", etc... on ne peut les citer toutes. Dylan a fait exploser les codes, a endossé en véritable caméléon tous les costumes possibles en se mettant à dos à chaque fois ses fans précédents s'estimant trahis, mais, s'il est parfois difficile à suivre, nul doute qu'il a bâti une oeuvre incontournable dans la musique et la littérature du XXème siècle, unique et pérenne. Quant à moi, j'ai continué à explorer ses textes, remplissant mes devoirs d'anglais de citations dylanesques, ce qui me valait de la part du correcteur des grands points d'interrogation, mais cela me paraissait comme un superbe acte subversif...Grâce à Dylan, mon apprentissage de l'anglais a été un vrai plaisir, et je n'oublierai jamais les yeux écarquillés de mes cousins d'Amérique qui, lorsque je vins à New-York jeune adulte pour les rencontrer, furent littéralement estomaqués par le fait que je puisse leur chanter les chansons de Bob qu'eux-mêmes connaissaient moins bien que moi. Assurément, grace à Dylan, j'ai eu mon heure de gloire à New-York City !
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