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Critique de motspourmots


Je l'attendais avec une fébrile impatience, il s'est fait quelque peu désirer (sortie reportée de deux longs jours...), comme d'habitude j'ai tourné les pages avec délectation, trop vite, il faudra y revenir... Pourtant, cette fois, Jean Echenoz est retourné à un format plus long que ses derniers opus qui faisaient figure de friandises. Là on a un repas complet, concocté par un chef triplement étoilé, maîtrisant parfaitement son art au point d'offrir à son lecteur un vrai moment privilégié. Un de ceux qui ne ressemblent à aucun autre. Echenoz s'amuse, parodie, ironise. Tout ceci avec une élégance et une classe folles.

Et qu'importe l'histoire. La quatrième de couverture suffit à donner le ton : "Constance étant oisive, on va lui trouver de quoi s'occuper. Des bords de Seine aux rives de la mer Jaune, en passant par les fins fonds de la Creuse, rien ne devrait l'empêcher d'accomplir sa mission. Seul problème : le personnel chargé de son encadrement n'est pas toujours très bien organisé". Voilà, on a compris, on est dans le loufoque. Une sorte d'hommage au roman d'espionnage avec un côté très cinématographique (on pense à OSS117 notamment). Les aventures de Constance, jeune femme de 34 ans, bourgeoise sans réelle occupation, séparée d'un mari compositeur de chansons sont aussi rocambolesques qu'improbables. Difficiles à résumer voire presque impossibles tant l'intérêt du livre réside dans la manière dont Jean Echenoz nous les livre. Raconter, ce serait gâcher un peu du plaisir du prochain lecteur. Tenons-nous en à la quatrième de couverture.

Peu importe l'histoire, donc. L'auteur nous prend par la main, nous entraîne à pieds dans Paris où il prend le temps de quelques visites comme celle du cimetière de Passy "le plus chic de Paris" où il imagine le spectacle de fin d'année donné par quelques-uns de ses célèbres habitants. On le suit à pieds ou en métro, cheminements propices à maintes digressions. On s'envole pour la Corée, on joue les touristes dans un pays de pacotille, on serpente au milieu d'un champ de mines. Pendant que ses héros se débattent de façon très flegmatique dans les situations cocasses et ubuesques qu'il leur a concoctées, Jean Echenoz nous instruit sur les signaux chimiques des papillons et des éléphants avant l'accouplement ou encore sur l'industrie de la copie automobile dans les deux Corées, nous entraine dans l'observation des poissons d'un aquarium dans un restaurant, ou bien disserte subitement sur les jambes des femmes : "On oublie trop souvent que les jambes des femmes leur sont également utiles pour avancer : on les tient tellement pour des oeuvres d'art qu'on tend à négliger cet aspect fonctionnel".

Rassurez-vous, l'intrigue est bien présente, enrichie de personnages savoureux tout droit sortis de l'imagination taquine de l'auteur, et que l'on quitte à regrets. Mais plus que de l'histoire, c'est bien des mots que l'on se délecte, de ce style si reconnaissable, de cette complicité malicieuse que Jean Echenoz sait si bien installer avec son lecteur. Comme lorsqu'il décide de lui apporter une précision technique indispensable et démontre ainsi une telle confiance dans son jeu d'écrivain qu'on ne peut que s'incliner. "Nous pensions qu'il n'était pas mauvais que ce phénomène zoologique, trop peu connu à notre avis, soit porté à la connaissance du public. Certes, le public a le droit d'objecter qu'une telle information ne semble être qu'une pure digression, sorte d'amusement didactique permettant d'achever un chapitre en douceur sans lien avec notre récit. A cette réserve, bien entendu recevable, nous répondrons comme tout à l'heure : pour le moment".

Accro je suis, accro je reste, déjà en attente du prochain (heureusement, il me reste encore quelques-uns de ses précédents ouvrages à découvrir). J'aime me faire mener par le bout de la plume de Jean Echenoz et dans ma bibliothèque, ses livres ont une place à part. Ils seront les premiers à en sortir pour m'accompagner sur une île déserte, certaine que je suis de ne jamais m'en lasser.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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