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Le style Echenoz, c'est de la haute couture, du cousu main. Et l'on sent qu'il pourrait raconter n'importe quoi sur n'importe quel sujet, le résultat serait identique. (Il le dit lui même : « l'intrigue est un mal nécessaire ») Et ce n'est pas n'importe quoi : mettant de côté les biographies innovantes, Echenoz renoue avec l'espionnage comme dans Cherokee ou Lac. Un général sur la touche qui souhaite finir en beauté, des petites frappes décérébrées, un avocat véreux et un artiste à la Patrick Fernandez (un seul titre et c'est la retraite nantie) gravitent autour d'une jeune femme d'une constance (bon sang mais c'est bien sûr, c'est en l'écrivant que je n'en rends compte : constance, c'est son prénom!) parfaite quels que soient les circonstances. Et pourtant, elle ne tarde pas à se faire kidnapper. le général a en vue de déstabiliser le régime de Kim Jong, et c'est Constance qui sera infiltrée là-bas. il faut préciser qu'elle est totalement novice dans ce secteur d'activité, consacrant l'essentiel de sa recherche spirituelle à assortir son rouge à lèvre et son vernis à ongles. On va découvrir peu-à peu les liens qui unissent tous ces personnages, et l'auteur s'amuse un peu à nous perdre sur des fausses pistes à coup de pseudo, récompensant cependant le lecteur attentif à l'aide d'indices savamment dispensés . Le projet est tellement fou qu'il ne peut qu'éveiller l'intérêt : et la réalisation est à la hauteur. le formatage de la jeune femme, sa feuille de route, et la mise en oeuvre de sa mission sont pour le moins particuliers, et géographiquement dispersés : Paris, la crise et Pyongyang! Le récit fourmille de détails réjouissants : qui penserait à planquer un kidnappé dans une éolienne? Les personnages relèvent de la bande dessinée : pas que pour leur côté « Pieds nickelés », mais pour leur portrait proche de la caricature et l'utilisation de détails de reconnaissance très graphiques : un tatouage, une couleur de maquillage, une description précise des coiffures. Quant au style, il est unique. Très travaillé, j'en veux pour preuve les zeugmas, personnifications et autres figures de style qui ne peuvent se trouver là par hasard. Son regard sur les détails, avec un angle d'approche particulier confère à une situation ou une anecdote insignifiante une étrangeté : c'est un peu le sentiment de vacuité que l'on peut ressentir lorsqu'on que l'on répète un mot isolément jusqu'à le vider de son sens. L'écrivain est un personnage de l'histoire, incitant le lecteur à patienter : « Quant à ceux qui n'avaient pas compris que le commanditaire se nomme Clément Pognel, nous sommes heureux de le leur apprendre ici. » ou faisant part de ses limites pour expliquer un contexte, créant une mise à distance de l'histoire qui, somme toute, il est le premier à le reconnaître est légèrement extravagante. La partie coréenne vaut son pesant de kimchi (légumes à la coréenne), ne serait-ce que par le portrait des personnages. C'est donc à nouveau un rendez-vous jubilatoire, avec en prime un écrit un peu plus long que d'habitude, ce dont on ne peut que se réjouir Merci à Babélio et aux éditions de Minuit pour ce partenariat très apprécié + Lire la suite |