Très jeune, j’ai choisi le mariage et l’union avec l’argile. Une femme m’a appris ce métier du ciel, car personne ne dompte le soleil avec ses seuls yeux. J’ai comme Agnès offert ma vie au soulèvement du vent.
Cet endroit habilement agencé n’a pas toujours existé. Les épaisseurs de sédiments de son sol nous apprennent qu’ici, nous marchons sur les débris d’une mer disparue. En sillonnant ses sentiers, en travaillant leurs différentes couches en profondeur, les maraîchins sont devenus les gardiens, les archivistes d’un temps impensable.
J’avais trois ans quand je me suis déchaussée la première fois sur le sol brûlant de la saline. Une partie du village m’observait. Agnès, la vieille saulnière, a souri car je ne pleurais pas au contact douloureux de cette terre singulière. Cela voulait dire que plus tard, je brasserai les eaux tiédies pour en extraire la vie.