AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de fabienne2909


Ce qui est bien avec le titre, en tout cas français, de ce roman de Jennifer Egan, c'est qu'on ne s'embarrasse pas à chercher bien loin ce que cette dernière cherche à nous dire : « Qu'avons-nous fait de nos rêves ? » parle sans surprise d'êtres qui se réveillent un jour en se rendant compte que leur vie a commencé sans eux, et que le virage qu'elle a pris ne leur pas apporté tout à fait ce qu'ils attendaient. Que les promesses illimitées de la jeunesse se sont transformées en un cadre étriqué une fois la vue adulte atteinte. « Life is a bitch », comme on dit en vo. C'est dur, c'est âpre et c'est amer, comme la boule dans la gorge quand on a envie de pleurer.

« Qu'avons-nous fait de nos rêves ? » s'ouvre sur deux personnages qui seront un fil rouge dans ce roman choral, beaucoup (trop) de personnages allant être introduits par la suite : Bennie, un magnat de l'industrie musicale et son assistante Sasha.

Sasha est kleptomane, elle ne peut s'en empêcher malgré sa volonté de s'en sortir et l'aide qu'elle reçoit à contrecoeur d'un psy qu'elle a pourtant embauché.
Bennie, quant à lui, est en pleine crise - de quarantaine, de mélancolie - et mène une vie dominée par le regret de sa jeunesse punk pleine de rêves où tout allait bien. Aujourd'hui il ne bande plus, il déteste son job, et il s'occupe mal de son fils qu'il voit peu depuis sa séparation.
Ce sont des personnages dont la sensation de vide est matérialisée par celui qu'a créé la chute du World Trade Center dans New York, que d'ailleurs Sasha évoque régulièrement dans les premières pages.

Le début de ce roman m'a fait fortement penser à la littérature américaine du début des années 2010, Jay McInerney et Brett Easton Ellis en tête, avec ces personnages à la dérive et égoïstes dans l'observation de leur petit nombril, symboles d'une occidentalisation et d'un capitalisme forcenés. Rien d'étonnant ceci dit, puisqu'il a été écrit pendant cette période. J'aime ce type de romans pour ces chroniques désenchantées de personnes ordinaires, et j'étais curieuse de savoir où Jennifer Egan allait les emmener dans ce roman.

Surprise, au bout de quelques pages on quitte rapidement Bennie et Sasha pour faire la connaissances d'autres personnages, à une époque différente, et ce de manière incessante, comme un kaléidoscope un peu éclaté de vies décevantes et déçues, avant de revenir vers eux deux, là encore à une autre période de leur vie. J'ai eu du mal à suivre ces changements incessants, d'autant plus que certains détails donnés incidemment au début d'une histoire ont parfois pris de l'importance plus tard sauf que je ne m'en souvenais vaguement, et de ce fait j'ai été complètement perdue. En outre, les personnages finissent tous par se connaître et se croiser, comme dans les mauvaises séries où les rebondissements se concentrent sur les mêmes personnages par économie. Et Jennifer Egan confine à la radinerie dans le destin de ses personnages : ils sont tous désenchantés, pas épanouis, et finissent par tourner en rond. En outre, l'autrice se permet, en pythie omnisciente, de nous raconter le déroulé futur de leurs vies en quelques mots vite troussés, nous rappelant que ces destins de peu d'importance sont déjà tout tracés, qu'aucune surprise ne peut avoir lieu et que la déprime attend au tournant. Impossible dans ces conditions de s'attacher aux personnages et de s'intéresser autrement que superficiellement à leurs vies. Et pourtant, ce roman s'est vu décerner le Pulitzer, la preuve si besoin était, qu'aucun prix ne peut garantir l'intérêt d'un roman…
Commenter  J’apprécie          254



Ont apprécié cette critique (25)voir plus




{* *}