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Critique de Sachenka


Mustapha Kamel, un militant nationaliste égyptien du début du XXe siècle, a dit : « Si je n'étais pas né Égyptien, j'aurais voulu être égyptien. » (Évidemment, on parle ici des Égyptiens modernes, pas ceux des pharaons et des pyramides.) L'auteur Alaa El Aswany (qu'on connaît grâce à son roman « L'immeuble Yacoubian ») se demande pour quelles raisons l'on voudrait être égyptien. Quelles seraient les qualités du peuple égyptien ? Qu'a-t-il fait qui soit digne de mention ? En quoi se distingue-t-il ? C'est le point de départ de son recueil de nouvelles « J'aurais voulu être égyptien ». Il y présente le vrai visage de son peuple. Pas l'image polissée, mensongère que plusieurs essaient de faire croire. Par exemple, Issam Abd el Ati, qui souhaite devenir dessinateur dans un monde où les arts et la culture sont dénigrés ou, du moins, peu pris au sérieux, considérés comme un passe-temps, se butte contre des portes closes et un travail de crève-faim alors que, parfous en Occident, les caricaturistes et autres dessinateurs peuvent gagner leur vie en faisant ce métier qu'ils aiment. La culture n'est pas assez valorisée en Égypte.

Dans cette nouvelle et les autres, El Aswany raconte de destin de laissés-pour-compte, le quotidien des petites gens. Ceux qui subissent et, en même temps, ceux qui font subir. Ces chefs (pas exclusivement ceux à la tête de l'États, aussi les petits chefs de services qui se croient importants mais qui sont plutôt incompétents, même les chefs religieux intransigeants et vivant dans le passé) qui abusent de leur pouvoir. Parfois, même les formules pieuses et joliement tournées peuvent laisser transpirer des préoccupations égoïstes, comme dans « Ma chère soeur Makarem ».

Mais les petites gens ne sont pas innocents non plus, s'il le faut, ils sont prêts à voler leur prochain pour une bouchée de pain, un emploi. Ils sont prêts à tout, en fait. Ils sont souvent jeunes et ambitieux. le meilleur exemple est Hicham, le jeune étudiant en médecine dans « le factorum »,. Qu'a-t-il proposé à au professeur Bassiouni, le chef du département de chirurgie, pour obtenir son poste ? Surement rien de très honnête… Bref, ces jeunes qui dénoncent un système sont près à jouer le jeu quand cela fait leur affaire. Ainsi, ils perpétuent le système… Et pas seulement les jeunes. Tout le monde finit par se laisser corrompre. Dans « Une décision administrative », Mohamed Ibrahim, un brave homme employé au service de nettoyage d'un hôpital, se voit affecté contre son gré au poste d'agent de sécurité et devient un homme dur, intransigeant, méchant.

Petite parenthèse : j'ai beaucoup apprécié la nouvelle « Dans l'attente du guide », elle m'a replongé dans l'atmosphère de la Trilogie du Caire, de Naguib Mahfouz, que j'ai adoré.

Donc, « J'aurais voulu être égyptien » est un ouvrage très contestataire. D'ailleurs, il s'est attiré beaucoup de reproches, allant de l'anti-nationaliste à… bien d'autres choses. Mais cela m'importe peu, et à l'auteur également. Toutefois, ce style si incisif, si critique peut parfois sembler rébarbatif. Il y manque un peu de douceur à mon goût. On y retrouve des visages baignés de larmes (et même de sang), des visages ravagés par la honte et le désespoir. Sinon la cupidité. Des gens qui courbent l'échine. Et qui malgré tout sont fiers d'être égyptien ? Peut-être y a-t-il un peu de rancoeur de la part de El Aswany. Dans tous les cas, comme on dit, on ne peut faire une omelette sans casser d'oeufs… le message est lancé, aux Égyptiens à y voir. En attendant, pour les lecteurs, c'est un moment de lecteur appréciable et intéressant.
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