- C'était comme si, dit Ayoub en baissant la tête, comme si la vie lui allait trop petit.
Ils ne se marièrent pas, ne vécurent pas heureux et eurent un seul enfant.
Les riches, il les avait observés, en traînant ses guêtres dans le VIIe, le XVIe ou le Faubourg Saint-Honoré. Et il s'en méfiait. Il ne les aimait pas. Il sentait en eux une bonne conscience à la fois arrogante et imbécile. Chez leurs femmes en particulier. (...) Ce qu'il ne leur pardonnait pas, c'était d'avoir l'air de trouver naturels et légitimes leurs privilèges, la possession des beaux quartiers, des beaux parcs, des beaux vêtements, des belles voitures ; mais plus encore (car après tout lui-même voulait avoir de l'argent, et n'y mettait aucun complexe) c'était leur ignorance. Les papas et les maris de ces femmes-là, eux, en gagnant l'argent, devaient au moins être conduits à voir lucidement la société comme elle est. Mais femmes, dans ce milieu-là, vivaient entre 205 et coiffeur, entre pédiatre et employées de maison (portugaises). Il les voyait, lui, il les regardait, il avait la curiosité d'aller marcher le long de leurs rues. Elles ne le voyaient pas, ne pensaient même pas à le regarder, et la Plaine Saint-Denis, elles ne devaient pas savoir où c'était, comment c'était, comment les autres femmes y vivaient. Il y avait là un crasse morale qui donnait à Mario des bouffées de violence -- d'où les histoires de bite : un raccourci.