Citations sur A corps et à cris : être psychanalyste avec les tout-petits (146)
Quand tu es née, tes parents avaient décidé pour toi que tu serais élevée dans une autre famille, une famille d'adoption. Ils ont été en contact avec un virus qui peut rendre très malade et on ne sait pas s'ils vont vivre longtemps.
Tu as été privée de ta mère, et aussi de la drogue qu'elle prenait. On t'a bien soigné pour le manque de drogue mais peut-être pas pour le manque de mère. Je crois que tu souffres du manque de mère et je veux bien te revoir.
La souffrance de ces enfants peut littéralement les faire mourir ou empêcher toute opération symbolisante malgré la qualité des soins qui leur sont prodigués. Elle provient avant tout du non-respect du savoir sur les origines.
Ce bruit me paraît assez étrange et pourtant familier. En l'écoutant sans le regarder tandis que l'on me parle je réalise subitement que Mathias ronronne. [...] Peut-être pense-t-il que s'il était un chat, sa mère serait plus attachée à lui? [...] Chez lui, les enfants prennent leur bain avec les chats.
La cure psychanalytique du nourrisson permet avant tout de raconter à celui ci l'origine de la rupture, de mettre en mots ce qu'il vit, tout non-dit entraînant une faille dans le processus de symbolisation, faille qui s'exprime dans un premier temps par le symptôme.
Les enfants élevés en famille d'accueil ou dans les institutions peuvent s'y épanouir s'ils savent qu'ils y resteront. L'angoisse de la rupture de lien avant qu'un lien stable se soit jamais établi fragilise ces enfants pour leur vie entière.
La fatigue que je ressens est comparable à celle qui survient après un effort physique inhabituel, comme si l'écoute pour essayer de comprendre cet enfant mobilisait des ressources que je n'utilise pas souvent.
[Cyrulnik] en arrive à la conclusion que ce premier "sourire" est déterminé par une sécrétion bio-électrique du cerveau, un neuropeptide. La mère, pas folle, manifeste la joie que provoque chez elle ce sourire qu'elle n'attribue pas, pauvre ignorante, à une "sécrétion de neuropeptide" ! Avant de conclure sur les excellents effets de cet adultomorphisme (qui va, entre autres, modifier le rythme biologique du bébé), Boris Cyrulnik n'en remarque pas moins "qu'elle fait un contresens". Mais qui fait un contresens ? Qui peut affirmer qu'il est plus "vrai" de dire : "Le premier sourire est déterminé par la sécrétion d'un neuropeptide" que : "Mon bébé m'a souri dès qu'il est né ?" Dire que la biologie est façonnée par la parole est une chose, mais dire que la biologie est en elle-même porteuse de sens en est une autre. Au mieux, les deux "interprétation" coexistent : tout dépende de l'observateur... et de ce que l'on observe.
Les cognitivistes interprètent la forme des comportements mais ne disent rien sur le contenu mental, ni sur la valeur de ce contenu.
Coïncidence ? Pour les médecins aussi, Bella avait tout faux : elle donnait l'apparence de prendre très bien ses biberons, ne s'étouffant jamais, mais la nourriture faisait fausse route, tout comme elle-même faisait fausse router en souriant sans arrêt.
Pour être psychanalyste, avec les tout-petits, il faut considérer chaque enfant comme un être humain à part entière, susceptible d'être autonome dans son désir bien avant d'être autonome dans la réalité, sans assimiler au néant manque d'expérience et incapacité à parler. En portant la parole au sens propre et au sens figuré) le psychanalyste est un médiateur de la fonction symbolique, sans laquelle la vie ne serait pas humaine.