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Critique de Yvan_T


Je vais poursuivre les remerciements de R.J. Ellory en fin de roman en rendant hommage à son traducteur attitré, Fabrice Pointeau, décédé le 6 mars 2023. Cet homme qui traduisait également les romans de Paul Cleave et David Joy ne se contentait pas seulement de traduire les mots sortis de la plume d'Ellory, il restituait également l'ambiance sombre de ses récits tout en respectant le rythme de ses phrases, se plaçant ainsi au diapason du talent inégalable de R.J. Ellory. Un niveau de traduction qui ne sera JAMAIS atteint par une intelligence artificielle et qu'il faut donc chérir à une époque où DeepL, Google Translate et ChatGPT cherchent à revoir les normes à la baisse. Ici, chaque mot est traduit, puis déposé au bon endroit, avec soin, avec professionnalisme, respectant le rythme original de la phrase, pour qu'au moment de la ponctuation finale celle-ci puisse claquer autant que l'originale. Je fais partie de ceux qui n'accordent pas suffisamment d'attention au nom des traducteurs lorsque j'entame un livre et pourtant, là, en tant que lecteur, je sens que les traductions de Fabrice Pointeau vont fortement me manquer…

Avant de rendre à César ce qui était à César, R.J. Ellory ouvrait son dernier roman en plongeant ses lecteurs dans les Appalaches, l'une des régions les plus pauvres des États-Unis. Dans ce bled où fleurissent les trafics en tout genre et où l'alcool permet de tenir jusqu'au lendemain, Victor Landis, le shérif d'une petite ville de Géorgie, vient d'apprendre la mort de son frère, Frank. Pour ce solitaire qui a déjà perdu sa femme et qui n'a jamais eu d'enfants, la nouvelle n'est pas vraiment triste car, excepté son sang, le métier de shérif et un passé de merde, il ne partageait plus rien avec son frère. le seul hic, c'est qu'en se rendant dans le comté de Dade pour reconnaître le corps, il découvre non seulement que la mort de son frère n'était pas accidentelle, mais qu'en plus, il laisse une gamine de douze ans derrière lui. du coup, même s'il n'en a pas grand choses à cirer de son frère, il s'agit tout de même d'un meurtre et cette petite nièce sortie de nulle part mérite tout de même de connaître la vérité…non ?

Si certains auteurs ont l'art de dresser le portrait de leurs personnages, R.J. Ellory va encore un peu plus loin en nous livrant leurs âmes en pâture. Il installe tout d'abord ce rythme délicieusement lent qui caractérise ses récits, puis il s'assied, se serre un petit verre de whisky et commence à appuyer là où ça fait mal, doucement, par petits à-coups, triturant lentement l'âme de ses personnages, grattant un peu à gauche, déblayant un peu à droite, dévoilant progressivement cette histoire de famille qui a séparé deux frères pendant de longues années… jusqu'à ce que la mort les sépare. Une histoire sombre recouverte d'une bonne couche de poussière et emballée dans une toile de mensonges, le genre de noirceur dont l'auteur raffole et nous avec. Et puis, soudainement, de cette obscurité poisseuse surgit un véritable rayon de soleil, cette petite nièce de douze ans sortie de nulle part, au caractère bien trempé certes, mais qui vient brusquement éclairer ce récit. Les échanges entre Victor Landis et la fille de son frère ne sont pas seulement attendrissants, ils sont souvent même foncièrement drôles. Même les dialogues entre Victor Landis et sa secrétaire Barbara sont divinement parsemés d'humour. Je n'irai pas jusqu'à dire que R.J. Ellory va vous servir du « Feel-Good », faut pas pousser bobonne quand même, mais il a visiblement encore plus de cordes à son arc que je ne le pensais. Bravo maestro !

Au coeur de cette histoire de famille, R.J. Ellory nous sert également une enquête policière, voire même plusieurs enquêtes policières simultanées car outre son envie subite de découvrir l'assassin de ce frère dont il s'était pourtant lui-même débarrassé, Victor Landis se retrouve également avec une série de meurtres inexpliqués de jeunes adolescentes dans la région. Car non, R.J. Ellory ne nous sert évidemment pas du « Feel-Good », car dans les Appalaches, des gamines de seize, dix-sept ans disparaissent, puis sont retrouvées violentées, mortes et totalement nues, balancées comme des déchets dans la nature. Il est grand temps que Victor Landis y fasse un peu de ménage…

Une ambiance pesante, des personnages décortiqués jusqu'à l'âme, une histoire familiale émouvante et des meurtres en série au coeur des Appalaches, le tout porté une dernière fois par la traduction experte de Fabrice Pointeau. Respect et coup de coeur !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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