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Critique de Derfuchs


La Nouvelle-Orléans, époque contemporaine.
Branle bas de combat, la fille du gouverneur a disparu et ce cadavre, en plus, sur les bras, John Verlaine, le flic du coin fait son enquête, rigoureusement et envoie les empreintes, pour contrôle, au service de l'identification. Retour : secret défense, pas touche mon pote, on t'enverra du monde.
Les cow-boys du Middle-West qui débarquent, sapés façon croquemort, tout en noir, sauf la chemise, blanche. T'occupes, on récupère, tout, oui, rapport du légiste, dossiers et cetera, même pas un merci, quant-au sourire il n'est pas obligatoire. le FBI, les champions de l'investigation hors norme, ceux qui savent.
Le ramdam de Ducane, le gouverneur, il l'a veut vivante sa fille et peu importe les moyens et des moyens va y en avoir, faut me croire, ça va grouiller de croquemorts là-dedans.
Surprise, le ravisseur appelle, je parle, yes, mais à un type et seulement à lui, capichi, si, alors c'est qui ? Ray Hartmann, demain soir, je rappelle et je lui parle. Pfuit, qui c'est celui-la ?
Hartmann c'est un paumé, un quelconque fonctionnaire qui bosse à une sous-commission de lutte contre le crime, un gars qu'a raté sa vie familiale, le professionnel passe d'abord et trop à coeur qu'il le prend le professionnel, à se saouler la tronche et à régurgiter tout ça sur le carrelage de la cuisine, moitié sur lui, moitié par terre. Des hauts de coeur, qu'il a le Raymond, sur la chienlit qui l'entoure, il supporte pas, les alcooliques anonymes, oui, pour faire plaisir à Madame, comme ça, une semaine, deux et patatrac, rechute, alors Madame elle aime pas, d'autant que c'est la petite qui découvre Papa, par terre dans son dégueulis. Elle l'aime Papa, mais trop c'est trop, vient fifille nous on retourne chez grand-mère. Seul, solitaire, brisé, hagard, Hartmann erre et arrête son cirque, il ne boit plus et tentera se retrouver son foyer.
Le FBI bien sûr qu'il le déniche le Ray, viens poupoule, dépêche, il y a urgence. Et le FBI ce ne sont pas des comiques, les moyens ils connaissent, alors pile poil à l'heure pour l'appel du ravisseur, Ernesto Perez.
J'ai une historiette à vous raconter, qu'il dit le Perez, Monsieur Hartmann, si, si, poli et tout, m'écoute et une fois ma confession terminée, je vous dis où est la fille. Bien sûr qu'elle vit, ma parole.
Et Hartmann écoutera Perez !
Bien qu'il ne soit pas de la famille, né à La Nouvelle-Orléans, d'origine cubaine, Perez est un mafieux, un homme de confiance de plusieurs parrains influents dans le crime organisé. Ce qu'il a dire c'est sa vie, sa chienne de vie, depuis petit jusqu'à le Pépé qu'il est maintenant. Il balance le mafieux, il balance, à tour de bras et les exactions et les meurtres et les assassinats, tout le monde ne prend pour son grade, il affirme, si, oui le meurtre de Marylin, non Oswald n'a pas tiré une seule balle sur Kennedy, Hoffa c'est moi et d'autres, beaucoup d'autres. Nous, moi, on écoute cet homme à la voix douce, poli et tout, calme, hédoniste - il aime la bonne chère, Chostakovitch et le bon vin , les hôtels luxueux, il exige, il obtient, à genoux les FBI's brothers - gros fumeur de bons cigares et loquace, patient, énergique, imposant, un chef, quoi ! Les parrains, la cavalerie, Giancana, Trafficante, Genovese, Capone et consors, balancés mais avec des Don devant, respectueux Perez, toujours !
A quoi sert Ray Hartmann ? Qu'est-ce qu'il fiche là ?
Les cadors du FBI écoutent, sûrs, se renseignent, recoupent, attendent les ordres et les confirmations, mais de la fille, rien, faut être patients, Perez a et prend son temps, les endort-il ? Allez savoir, mais pour plonger, ils plongent. Les machines tournent à Quantico, dans le bon sens ?
Et la fille Monsieur Perez ? Patience, j'y viens Monsieur Hartmann ?
Il se fout de nous ! Disent les autres. N'empêche que, tout n'est pas que baratin. Alors...on écoute et on attend.
L'histoire durera le temps que Perez prendra pour dire ce qu'il a à dire, jusqu'au dénouement, dans les toutes dernières pages, aussi époustouflant qu'imprévu.
Mystification, endoctrinement, fiction et réalité entremêlées, escroquerie et mythomanie, manipulation et endormissement, paranoïa, sont les ingrédients de construction de ce livre qui est un grand livre.
Ellory a cette plume de ceux qui ont été confinés à l'ombre de la liberté, ceux qui ont payé les dettes contractées envers la société. Taulard il connait le poids du silence mais aussi la violence des mots et il en joue. Il en joue avec virtuosité, comme ceux de son espèce, écorchés vifs qui font les grands écrivains, alcooliques comme Burke, taulards comme Ellroy ou Bunker. Il a déposé ses tripes sur son clavier pour écrire et ce qu'il en est sorti est une ode à la littérature, celle qu'on aime, qui vibre, qui sonne, danse et fluctue. Vous aimez les pâtes à la carbonara, respirez leur fumet dans ces pages. le débarquement à Cuba, dans la baie des cochons, vous avez la carte postale sur les pages, on fume trop, le mal de tête vous gagne. Les flingues jouent leur stacato, baissez la tête, pensez une balle perdue dans son fauteuil ça ferait désordre.
Bref c'est un grand coup de coeur, un livre sans longueur, qui se lit avec délectation et, non, ce n'est pas l'histoire de la mafia mais celle d'un homme qui aurait pu être garçon coiffeur ou comptable s'il n'avait été mafieux, dont l'histoire est l'essence même d'une intrigue à couper le souffle, si l'on veut bien me passer l'expression qui n'est pas de moi.

Lien : https://www.babelio.com/livr..
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