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Critique de Ninilechat


       Je l'ai suivi, Ellroy, depuis.... le dahlia noir! C'est fini. Bye bye! tant ce dernier opus est répugnant. Certes, il y a toujours l'extraordinaire style Ellroy. Ces phrases courtissimes bombardées à la mitraillette. Contrastant avec les dialogues où les personnages principaux s'expriment dans un langage extrêmement élégant et châtié. Sauf que tout cela est noyé dans un flot de vomissures; bien qu'il ne soit que septuagénaire, Ellroy est il gaga? En tous cas il patauge dans ses excréments comme un nourrisson dans son pot. A côté, les pires éructations de Céline sont de la bibliothèque rose.
         Des deux cents et quelques personnages qui s'entrecroisent (je vous rassure, il y a un glossaire à la fin), il n'y en a pas un qui sauve l'humanité. Alcooliques, drogués aux amphets, obsédés sexuels, sadiques.... Catholiques pratiquants dont le confesseur s'envoie en l'air avec un petit voyou, pianistes et musiciens classiques, il semble qu'Ellroy prenne un plaisir particulier à salir tout ce qui pourrait présenter un dehors d'élégance ou de respectabilité. Car aux flics proxénètes (Elmer Jackson), aux politiciens, aux gradés de la police (Fletch Bowron, James Davis) pourris déjà croisés dans Perfidia, à Barbara Stanwick la gouine et Orson Welles l'indicateur, s'ajoute un nouveau venu: le grand chef Otto Klemperer. Dans sa luxueuse villa, on organise une fête costumée reproduisant la Nuit des Longs Couteaux. D'ailleurs Klemperer lui même assassine quelqu'un, je ne sais plus qui. de quel droit peut on utiliser des personnages réels? Ca, ça me scotche. Si je vous décris une scène dans laquelle, mettons Jacques Chirac se fait tailler une pipe par Catherine Deneuve dans le luxueux sauna de Karajan, sous l'oeil lubrique de Bernard Kouchner, d'abord, personne ne m'éditera, heureusement! et puis, franchement, personne n'aura envie de me lire, à part quelques esprits malsains. Or, c'est ce que fait Ellroy, et je trouve que c'est indigne de son talent, de son exceptionnelle inventivité, et surtout de son style, un des plus fascinants à l'heure actuelle.
         Par ailleurs l'intrigue, un patchwork d'une demi douzaine de sous intrigues, est très confuse. Il y a, encore l'assassinat mal résolu des Watanabe. Il y a la traque d'un petit violeur et assassin. Il y a les assassinats de deux flics ou d'un restaurateur chinois. Il y a un incendie, probablement criminel, d'une forêt californienne, en relation avec un important vol d'or, et un cadavre qui lui est relié qui resurgit avec une coulée de boue. Il y a des fascistes mexicains, en particulier un groupe terroriste catholique. Et il y a la cinquième colonne -nous sommes en 1942- ou communistes et nazis se retrouvent. Et au milieu les pauvres japonais traités comme du bétail, mais décrit avec la même haine de tout ce qui pourrait être humanité, et les japonais moins pauvres opérés par des chirurgiens esthétiques célèbres pour avoir l'air de chinois.  L'élégante et intellectuelle Kay Smith vient aussi fourrer son nez.
         Tabassages en série. Les nez se cassent en deux, les dents volent en l'air. Il y a du sang partout. On va de scène gore en scène gore. Les différents flics, qui se taillent la bourre, ont un point commun, ils adorent cogner. Et, entre deux shoots de benzédrine, rêvent de récupérer les lingots d'or... Chaque chapitre est la rumination d'un de ces tristes héros, ce qui pourrait être un exercice de style passionnant si le tout n'était si cafouilleux.
         Et évidemment, au centre, il y a Dudley Smith, le mal incarné, menteur, voleur, manipulateur, sadique (mais bon catholique) qui passe au lance flamme de malheureux réfugiés mexicains et japonais tapis avec leur famille dans une grotte de Baja California.... Séduisant, tombant toutes les femmes. Ce qui est amusant c'est que son personnage, vieilli de quelques décennies, sera interprété au cinéma dans L.A. Confidentiel par James Cromwell, qui n'a vraiment rien d'un sex symbol... Dudley Smith le Loup-garou, qui ne se déplace jamais sans son loup fantasmatique. Dudley Smith si élégant -et même les uniformes nazis avec lesquels il adore se travestir sont élégants.
         C'est dommage. James Ellroy reste un auteur majeur, mais, comme quand Gainsbourg virait Gainsbarre, il semble étourdi par une volonté funeste d'aller toujours plus loin dans la provocation..... Je n'achèterais pas les deux volumes à venir. Je préfère garder le souvenir d'un auteur qui n'était pas encore une parodie de lui même.
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