4. « D'autre part, cet univers [psychopolitique, qui est illusoire] est volontairement, scientifiquement organisé. Il n'est pas le fruit d'une attitude individuelle, ni ne comporte de divergences. Il est produit par l'usage collectif, massif des mass media, il ne procède pas d'un machiavélisme, d'un désir de tromper. Il est une création invisible mais universelle par suite de la systématisation de la traduction verbale de l'événement. Or, les informateurs ne peuvent faire autrement que d'organiser cette traduction et par conséquent de renforcer sans cesse, de développer, de rendre plus complexe, de modeler cet univers mental où l'homme moderne se meut et qu'il confond avec la réalité. » (p. 163)
3. « Aujourd'hui est "un fait" ce qui a été traduit verbalement ou en image ; qui a été retravaillé pour lui donner le caractère global que très peu d'hommes peuvent expérimenter ; qui a été transmis à un grand nombre d'individus par des moyens de communication ; à qui l'on attribue une certaine coloration qu'il n'a forcément pas pour ceux qui le vivent. C'est sur ce fait abstrait que l'opinion publique prend position, et se cristallise. » (p. 141)
1. « Il y a dans notre société des choix qui s'effectuent, mais qui n'appartiennent plus aux instances politiques. Il y a des continuités qui s'affermissent, mais qui ne sont plus une prise juridico-politique sur l'avenir. Au contraire, ce sont des continuités nouvelles qui évacuent le politique véritable. Celui-ci se trouve le plus souvent dans une situation de compétence liée, ne pouvant modifier le donné qui fut autrefois la riche étoffe de ses interventions. Le seul domaine dans lequel il lui soit encore possible d'intervenir, c'est le domaine de l'actualité, c'est l'éphémère, le fluctuant, et l'on perd de ce fait le sens du sérieux de la décision politique. Ce qui reste vacant n'est plus qu'une apparence. La vanité d'agir dans cette vacance n'est compensée que par l'extrême agitation du personnel politique. » (pp. 47-48)