Citations sur 1502 (54)
ependant nous passions les murs à la chaux une fois l’an et balayions régulièrement le carrelage, et jamais tu ne dormis sur une paillasse, mais toujours sur un bon matelas de coton ; pas un jour ne passait sans que nous ayons fleurs ou verdure fraîche sur notre petite table, et nous ne manquions jamais de lard dans nos haricots.
Je gardais mes livres et mes camées antiques à l’abri des regards, ne faisant étalage de rien qui puisse tenter un voleur… ou révéler qui j’étais autrefois.
Notre logis se trouvait au rez-de-chaussée d’une ancienne maison de brique en retrait d’une ruelle étroite et boueuse, enserrée de toutes parts de petites échoppes et d’autres habitations dont les balcons et les galeries étaient si rapprochés les uns des autres que nous avions toujours l’impression en sortant qu’il faisait nuit, même en plein midi.
Mais nos voisins venaient de partout : Séville, Corse, Bourgogne, Lombardie et même Arabie. C’était un village où tout le monde était différent, de sorte que personne ne se démarquait.
Mon Giovanni adoré,
Nous habitions deux pièces dans le Trastevere. Ce quartier de Rome est situé de l’autre côté du Tibre par rapport au vieux Capitole, sur la même rive que le Vatican et le château Saint-Ange. Regroupé autour de l’église Santa Maria, le Trastevere était un village en soi, un dédale de tavernes, d’auberges, de tanneries, de cuves de teinturiers et de maisons délabrées qui étaient probablement déjà anciennes lorsque Titus Flavius revint triomphant de sa conquête de la Judée ; nombre des Juifs qui y vivaient prétendaient être les descendants de ses captifs.
Mon cher Francesco, je dois vous rappeler que la Fortune accomplit ses pires desseins en se reposant sur notre aveuglement complaisant, tandis que nous suivons ses voies sinueuses et mystérieuses. Lorsque vous lirez ces pages, vous vous émerveillerez de l’habileté avec laquelle elle nous a guidés sur une route périlleuse jusqu’à la porte du diable. Et vous verrez à quel point nous sommes restés aveugles, alors même que nous regardions le mal en face.
Votre dévoué
Niccolò Machiavelli
Auteur de récits historiques, comiques et tragiques
Elle a écrit ces pages non seulement pour s’exonérer des accusations qui furent portées contre elle, mais également pour laisser un ultime témoignage à son fils, Giovanni, bien qu’elle ait souhaité qu’on ne le lui remît pas avant qu’il soit devenu un jeune homme d’une maturité suffisante pour comprendre à la fois la vérité et les mensonges.
Vous trouverez ici une narration en quatre parties, dont toutes sauf une sont de ma main. Celle qui fait exception est le récit qui précède le mien, écrit il y a vingt-quatre ans par une dame que je connaissais sous le nom de Damiata. En l’espace d’à peine deux semaines, cette femme érudite a consigné dans les moindres détails un certain nombre de conversations et d’occurrences qui, j’en suis certain, vous intrigueront.
Votre Magnificence. Je vous ai fait parvenir cette grosse pile de feuillets afin de vous fournir un compte rendu plus fidèle des toutes dernières semaines de l’an 1502, au cours desquelles les condottieri fomentèrent une cruelle conspiration contre le duc Valentino et son père, le pape Alexandre VI. Comme vous le savez, mon expérience personnelle de ces événements a inspiré mon petit opuscule, Le Prince ; ce que vous ne savez pas, c’est qu’il y a beaucoup plus à dire sur toute cette affaire que je ne l’ai jamais admis. C’est pourquoi je vous soumets cette longue « confession », dans l’espoir que vous ne me jugerez pas – ni ne tenterez d’écrire votre propre version de l’histoire – avant d’avoir lu ces pages jusqu’au bout. Alors seulement pourrez-vous commencer à comprendre la terrifiante nature du secret que j’ai délibérément enseveli, dirons-nous, entre les lignes du Prince.
Elle était mon premier enfant, et tu étais le second. J'étais ta première mère, et elle était la seconde. Je n'en dirai pas plus, si ce n'est que l'amour de notre ange est tissé dans la trame de ton âme autant que dans la mienne, et que rien ne pourra jamais l'en défaire.