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Critique de Andromeda06


J'ai fait connaissance avec Louise Erdrich grâce à "Celui qui veille", il n'y a pas si longtemps. Je savais que je reviendrai vers elle un de ces jours, d'autant que j'avais pris note de quelques-uns de ses romans. "La sentence" n'en faisait pas partie mais une dame à la bibliothèque me l'a si bien vendu, que j'ai vite succombé.

L'autrice garde son sujet le plus cher, en nous dévoilant une fois encore une partie de son histoire culturelle, celle des Amérindiens. Et elle passe ici par le personnage de Tookie pour nous y transporter. Tout commence lorsque cette dernière est en prison, condamnée à 60 ans d'enfermement. Heureusement pour elle, elle n'en fera pas autant, ce qui lui laissera l'opportunité de devenir libraire. Tookie a eu un vécu plus que tourmenté, mais elle a aujourd'hui une vie mieux rangée et plus tranquille. Elle est mariée, a une fille adoptive avec qui le courant passe difficilement mais qui est en passe de s'arranger, et elle exerce un métier qui la passionne au milieu des livres qu'elle dévore. Mais ce petit train-train va se retrouver un peu bousculé lorsqu'une de ses clientes décède et se met à hanter la librairie. Et si le fantôme de Flora n'est pas le plus inquiétant des fantômes, il finira tout de même par aller trop loin...

Ne vous méprenez pas, nous ne sommes pas dans un livre dit de "fantastique". Il y a effectivement une dimension surnaturelle mais elle est là pour mieux servir l'histoire et les croyances autochtones. Parce que le récit est hautement réaliste, bien ancré dans la réalité actuelle. Après que Tookie nous ait raconté son passé familial et les raisons de son incarcération, c'est son quotidien à la librairie qui prend le pas, avec sa vie de famille, ses relations avec ses collègues et la clientèle. Elle-même amérindienne, elle est entourée de personnes ayant le même héritage culturel. On est donc au fait de certaines croyances, traditions et rituels, d'autant que la librairie (dont la propriétaire se nomme Louise et est auteure d'un roman s'intitulant "Celui qui veille"...) s'est spécialisée dans la littérature amérindienne.

Ancré dans la réalité vous disais-je, oui, ce roman l'est sans aucun doute. En-dehors de tout ce qui tourne autour de Flora et de ce qui la lie à Tookie, bon nombre de sujets d'actualité ont leur importance dans le déroulement des événements qui touchent les protagonistes, tels que les difficultés des librairies indépendantes et plus globalement des commerces de proximité, la Covid-19 et les émeutes survenues suite au meurtre de George Floyd. Et c'est au milieu de tous ces faits réels que nous suivons les protagonistes dans leur propre histoire, protagonistes tous plus intéressants les uns que les autres.

Tookie a évidemment une place centrale, puisque tout (ou presque) nous est conté de son point de vue. J'ai aimé ce personnage, sans vraiment m'y attacher. Elle dégage une certaine aura rendant le récit de plus en plus happant, alors qu'à bien y regarder il ne se passe pas grand chose. Les autres personnages sont tout aussi énigmatiques et intéressants. J'ai particulièrement aimé Pollux, qui dégage une forme de sagesse et de sensibilité qui ne laisse pas indifférent. Il y a tout un petit monde qui gravite autour de Tookie, certains sont davantage mis en avant que d'autres mais tous apportent quelque chose à l'histoire.

"La sentence" n'est pas un livre d'action. Les personnages sont ancrés dans un quotidien routinier, quelque peu perturbé par les événements sociétaux (pandémie et émeutes) et évoluent peu au final. D'ailleurs, nous ne sortirons pas de Minneapolis, tout et rien s'y déroulent et je m'en suis contentée avec plaisir. La plume de l'autrice est à mon sens et par moments un peu trop détachée de ses personnages, non pas qu'elle manque de sentiments, disons plutôt qu'elle est sans doute trop implicite. Toutefois, elle écrit merveilleusement bien et je ne lui en ai pas tenu rigueur bien longtemps.

Je viens de passer un très bon moment grâce à ce roman lent et riche tout à la fois, qui fourmille de références littéraires en tout genre, qui prône les bienfaits de la lecture, qui aborde des sujets divers mêlant fiction et réalité et dont les personnages ont su s'imprégner (culture autochtone, racisme, amour, amitié, famille, passé douloureux ou honteux, covid, émeutes et violences policières).

Et pour finir, il me faut prévenir que ce roman est à lire le ventre déjà bien plein. Il y a une telle profusion de plats et de nourriture qu'il a vite fait de vous ouvrir l'appétit. D'ailleurs c'est simple, j'ai eu faim tout au long de ma lecture, et ça fait deux jours que j'ai des envies de gâteau au chocolat !
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