Cette méchanceté était son ressort vital, sa force pour résister à la misère et croire qu'il était un homme.
Ce qui le rendait violent, surtout, c'était de voir chez lui quelqu'un de la famille plongé dans un livre ou un journal. Il n'avait pas eu le temps d'apprendre à lire et à écrire.
Ce qu'il y a de plus heureux dans la richesse, c'est qu'elle permet de soulager la misère d'autrui.
Haine et servilité, haine de sa servilité.
A l'odeur du matin, on est sûr qu'il fera beau.
Larmes, silence et dignité, tel est le comportement qu’on doit avoir à la mort d’un proche, dans une vision distinguée du monde. Ma mère, comme le voisinage, obéissait à des règles de savoir-vivre où le souci de dignité n’a rien à voir.
Peut-être sa plus grande fierté, ou même, la justification de son existence : que j'appartienne au monde qui l'avait dédaigné.
Quand je lis Proust ou Mauriac, je ne crois pas qu’ils évoquent le temps où mon père était enfant.
Peut-être sa plus grande fierté, ou même, la justification de son existence : que j'appartienne au monde qui l'avait dédaigné.
J'ai fini de mettre au jour l'héritage que j'ai dû déposer au seuil du monde bourgeois et cultivé quand j'y suis entrée.
La peur d'être « déplacé », d'avoir honte.
[…]
Gêne, obsession de cette faute, sur la route du retour. L'ombre de l'indignité.
Naturellement, aucun bonheur d'écrire, dans cette entreprise où je me tiens au plus près des mots et des phrases entendues, les soulignant parfois par des italiques. Non pour indiquer un double sens au lecteur et lui offrir le plaisir d'une complicité, que je refuse sous toutes ses formes, nostalgie, pathétique ou dérision. Simplement parce que ces mots et ces phrases disent les limites et la couleur du monde où vécut mon père, où j'ai vécu aussi. Et l'on n'y prenait jamais un mot pour un autre.
En me rappelant ce moment, je crois que rien n'est encore perdu, mais ce sont des paroles pour montrer qu'il n'est pas très malade, alors que justement cet effort pour se raccrocher au monde signifie qu'il s'en éloignait.