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Critique de KahlanAmnell


Et voilà, enfin je les ai lues, ces 7 uniques pièces qui nous sont parvenues d'Eschyle ! Il fallait bien en passer par là un jour.
J'avais peur de ne pas aimer, que les sujets, la forme, le choeur soient des obstacles à ma compréhension et à mon plaisir.
Mais en fait, pas du tout!
J'ai pris un plaisir étonné en lisant successivement Les Suppliantes, Les Perses, Les Sept contre Thèbes, Prométhée enchaîné (ma préférée) et l'Orestie.

Eschyle est le premier des trois grands princes du théâtre grec au Ve siècle avant notre ère. Son théâtre est profondément marqué par la présence et le respect des dieux (qu'il n'hésite pas à mettre en scène !). La désobéissance à leur volonté (Prométhée enchaîné), l'hybris - l'orgueil, la démesure - (Les Perses), le parricide ou le fratricide (Les Sept contre Thèbes, l'Orestie) sont condamnés et punis par ces mêmes dieux. La piété et le respect des lois divines priment sur l'ambition et la volonté personnelles. Les Danaïdes, bien que voulant échapper à raison d'une union quasi incestueuse, ne seront pas moins punies du meurtre de leurs époux ; Laïos ayant défié l'oracle d'Appolon verra sa descendance maudite jusqu'à ce que le crime d'Oedipe soit expié - par la mort ; et la malédiction des Atrides poursuivra Oreste jusqu'à ce que non pas la mort, mais bien le pardon, lui soit accordé !
Nul n'échappe à la loi des dieux.

Ce théâtre est plus proche de nous qu'on ne pourrait s'y attendre. Les hommes sont continuellement déchirés entre leurs passions et leurs devoirs moraux. Et la justice des dieux ne concorde pas toujours avec celle des hommes, et encore moins avec leur nature.
La tragédie grecque, comme l'explique Aristote, vise la catharsis : la purgation des passions, et pour ce faire elle fait naître deux sentiments chez le spectateur : la terreur et la pitié. N'a-t-on pas en effet pitié de ce pauvre Titan de Prométhée, qui, pour avoir trop aimé les hommes, s'est retrouvé enchaîné à une montagne, son foie offert jour après jour à un aigle vorace ? Et quelle horreur que ce châtiment! Quelle terreur à l'idée d'une telle souffrance! Et être contraint par une malédiction de tuer son père et épouser sa mère ; être le fruit de cet inceste (ce mot en latin signifie "souillure") et mourir en tuant son propre frère ; et assassiner sa mère pour venger son père : voilà des destins tragiques maudits par les dieux!
Voilà la tragédie.

Et les choeurs, loin d'être barbants, sont aussi beaux qu'utiles à l'histoire. Ils éclairent sur des éléments précédents le cadre tragique, ils chantent le passé qui conduisit au présent, ils pleurent la mort et hurlent face à l'injustice. Ils servent souvent de "conscience" ou de miroir aux personnages.
La justice des hommes doit se calquer sur celle des dieux, mais les dieux ne sont pas tous d'accord, et un homme pris entre deux est un homme maudit (je pense à Oreste qui fut contraint par Appolon de tuer sa propre mère pour être ensuite poursuivi par les Erinyes avides de vengeance).
Je serais tentée de dire que ce théâtre blâme subtilement les dieux capricieux et tyranniques pour certains, mais ce serait aller trop loin car ce n'est qu'un avis personnel. Eschyle enseigne ici la terreur des divinités et la faiblesse des hommes face à leur destin.
Mais ce qui m'a le plus surprise, et touchée, c'est de constater à quel point c'est pièces vieilles de 2500 ans sont accessibles : impossible de ne pas comprendre les personnages, de compatir à leurs peines, de prendre pitié d'eux! Car au fond, les Danaïdes, et Oedipe, et ses fils, et Clytemnestre et Oreste et Electre, c'est nous! (pas en acte hein!)
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