Tout en restant dans ma chambre, j’ai appris à trouver belle la laideur de la nature, cette défaillance qui paraît un malentendu et nous met mal à l’aise, nous avons un rire crispé, il se peut que, d’un point de vue esthétique, la réalité se légitime : comme si on apprenait que le Seigneur raffolait des banalités de troisième classe, des romans de N, des chatons jouant avec une pelote, des danseuses gitanes au ventre nu, aux gros seins (notez bien que...mais passons), enfin et surtout des couchers de soleil baignant dans un rouge tomate sanguinolent, et, naturellement, l’occasion ne se présente pas pour exprimer notre dédain, pire, il nous semble que, en faisant un retour sur nous-mêmes, nous devons nous demander de plus en plus si notre vie entière n’était pas un malentendu.
Ma mère les distrayait avec des anecdotes, les gardes-frontières demandent à Matyi Cseh ce qu’il a dans la valise, de l’aliment pour oiseaux, on l’ouvre, elle est remplie de café, mais, ce n’est pas de la nourriture pour oiseaux, Matyi Cseh regarde le café puis les gardes-frontières, hausse les épaules, qu’ils le mangent ou pas, ils n’auront rien d’autre. Ou elle faisait passer l’examen aux professeurs de ce sport en leur soumettant des situations de hors-jeu pièges, les seins de l’attaquant féminin sont-ils hors-jeu, ne me répondez pas, les garçons. Hidegkuti* racontait des histoires sur la Fiorentina, Bozsik* , très digne, gardait le silence, Puskás* essayait de faire croire que, un jour, ils avaient joué contre le Barça par un temps tellement froid que, lorsque Gento a envoyé le ballon vers la cage, le ballon y resté collé par le gel, quelqu’un a apporté un sèche-cheveux, on a commencé à le faire dégeler, les Catalans ne faisaient pas attention, le ballon est tombé, moi, je l’ai poussé dans la cage, l’arbitre l’a accordé, les Catalans se sont déchaînés...
*Joueurs du mythique «Onze d’Or Hongrois» de 1954
Advienne que pourra, je ne me crisperai pas à force de tenir à ma décrispation
Ce jour-là, j’étais en mauvaise disposition (les rayons du soleil m’ont réveillé en mauvaise disposition), dans de telles occasions, « j’augmente le chaos », ou je ne fais rien, je n’augmente ni ne diminue rien, ou je ne fais pas ce que je fais d’habitude et c’est ce qui augmente le chaos, ce qui est pire que le désordre ordinaire, car alors j’en fais également partie