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Critique de Charybde2


Le Mexique, 1860-1890 : l'exceptionnel roman historique de Valerio Evangelisti.

Publié en 2005, traduit en français en 2009 chez Métailié par Serge Quadruppani, « Il collare di Fuoco » inaugurait le mini-cycle dit « du Mexique », écrit par Valerio Evangelisti après les deux Pantera (« Black Flag » en 2002 et « Anthracite » en 2003).

Délaissant à cette occasion le fantastique si intelligemment halluciné qui percole tout au long des huit tomes disponibles en français du cycle Eymerich, et qui nimbe d'un halo si particulier l'extraordinaire personnage qu'est Pantera, Valerio Evangelisti nous donne ici un impressionnant roman historique, qui se hisse d'emblée parmi les tout meilleurs du genre.

Pour raconter la terrible histoire du Mexique entre 1860 et 1890, l'auteur italien a su choisir une bonne dizaine de points de vue, enracinés d'abord à la frontière texane, près de l'embouchure du rio Grande, avant de se répandre progressivement, au fil des années, dans tout le pays : capitaine raciste et corrompu de rangers américains, riche propriétaire terrien en quête de statut, veuve joyeuse vouée aux plaisirs coupables, pistolero ne se vendant pas au plus offrant, général loyaliste guettant l'opportunité de se faire seigneur de la guerre, officier français s'improvisant spécialiste de contre-guérilla, jeune fille innocente devenant activiste sociale, et bien d'autres encore.

Il fallait sans doute cette mosaïque pour saisir ces instants-clés de l'histoire du pays, lorsqu'en 1861, les conservateurs contestant le pouvoir aux libéraux élus décident de s'en remettre aux puissances européennes, que la puissante Église mexicaine appuie de toutes ses forces, usant des leviers de l'appétit mercantile anglais, de la nostalgie de sa grandeur passée espagnole et du rêve impérial de Napoléon III, pour proposer et imposer Maximilien à la tête du pays, porté par les troupes françaises, en profitant à fond du fait que les États-Unis, seul véritable soutien du gouvernement légitime de Benito Juarez, ont les mains liées par la guerre de Sécession qui explose alors.

Il fallait certainement cette mosaïque pour montrer et faire sentir au lecteur que derrière cette histoire pour la galerie, faite de politique étrangère et de grands principes, qu'ils soient aristocratiques ou démocratiques, il s'agit toujours et avant tout d'histoire politique et sociale, et qu'à l'issue de ces trente ans chaotiques, lorsque s'affirme la dictature de Porfirio Diaz, il n'y a au fond qu'un seul vainqueur sur place, le capitalisme, toutes nationalités unies pour célébrer le profit extrait des bas coûts locaux et des avantages consentis par les gouvernants en échange de soutien au moment opportun face à leurs rivaux, et qu'un seul véritable vaincu, le peuple, presque toutes classes confondues, qui glisse sans discontinuer d'un esclavage officiel à un asservissement officieux à peine moins dur…

Cette vision quasiment marxiste de l'histoire mexicaine (en attendant et espérant la traduction en français du deuxième tome du cycle, qui nous amène jusqu'à la révolution, à Pancho Villa et à Emiliano Zapata), aussi passionnante qu'elle soit, ne serait toutefois pas complètement à la hauteur du talent de Valerio Evangelisti s'il ne s'y ajoutait cette capacité rare à se glisser dans les recoins tordus des personnages, de leurs passions, de leurs idéalismes comme de leurs abjections, de leurs appétits féroces comme de leurs générosités bienveillantes, pour mêler étroitement, comme toujours chez l'auteur, la lutte pour sauvegarder son humanité à celle pour faire triompher ses idées et son pouvoir.

Un très grand roman historique, auréolé du ton brutal, sarcastique et terriblement intelligent qui est devenu au fil des années la marque de fabrique de Valerio Evangelisti.
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