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Critique de EvlyneLeraut


« Manifesto » haut les coeurs ! « N'abandonnez jamais » tel est le langage de ce livre. Entrelacs d'une autobiographie et les clefs de vie de Bernardine Evaristo née à Eltham au Royaume-Uni en 1959. Première femme noire à avoir obtenu le prestigieux Booker Prize en 2019, main dans la main, marche après marche avec Margaret Atwood.
« Manifesto » est un lever de voile, un autoportrait doté d'exemplarité.
Son père était un ouvrier nigérian, immigré, déraciné, au caractère fort et l'intransigeance pour morale. Sa mère, anglaise, au métier honorable d'institutrice, dans les années 60. Creuser son sillon dans un pays lourd de préjugés, raciste au possible et criblé d'injustices. Bernardine Evaristo pointe du doigt là où ça fait mal.
« Rien dans la société britannique de mon enfance banlieusarde n'entérinait l'idée que le fait d'être noir pût être positif, à l'exception de la musique venue d'Amérique avec les Suprennes, les Jackson 5... »
Un père qui éduque ses enfants avec droiture, mais dont la façon est quelque peu aride et sévère. « De même que la peur qu'il nous avait inculquée n'était nullement compensée par l'affection ». « Quand papa franchit la porte d'entrée, la joie s'enfuie par la porte de derrière ».
La mère est plus posée. Son contraire et « ils formaient l'archétype du couple Yin-Yang. »
« Deux jobs à plein temps, mère et enseignante ».
Bernardine sait sa biracialité. Elle combat, affronte les regards, se glisse dans un courant qui forge son caractère. Elle sait abattre les cartes, qui de l'as de pique ou de trèfle. Elle surmonte les difficultés et les défis. Ouverte, intensément libre, elle aime le théâtre, l'art dramatique, jongle avec son enfance et réinvente ses propres codes. Son père : le symbole de la vie publique, son art oratoire, « battant dans la sphère publique. Elle une penseuse du monde . Il tenait des discours à ses enfants au lieu de leur parler, tandis qu'elle nous racontait des histoires de sa propre enfance ».
Bernardine est exaltante. On admire sa ténacité, ses combats et ses quêtes existentielles. Son côté Diogène, ses attitudes et ses convictions féministes. Elle rassemble le puzzle de sa construction intime. Se cherche et se trouve en l'autre, l'amie et l'amante. Tombe dans le piège d'une perverse narcissique qui vivra à ses crochets jusqu'au jour de trop. Elle porte des couleurs vives et se moque des conventions puritaines d'une Angleterre froissée par ces artistes-femmes noires, qui jouent sur les planches, jonglent entre les décors conformistes et s'émancipent, altières et vénérables. On aime et on s'inspire de ce parcours de vie. Les expériences sexuelles comme des étincelles, trouver sa voie et enfin écrire, écrire, oser, et avoir foi en sa plume.
« Ma maison était mon sanctuaire, l'écriture ma priorité, et mon style de vie devait s'adapter à l'ambition qui venait de naître en moi : devenir une écrivaine publique ».
Elle se métamorphose, change les couleurs, cherche et trouve ses mutations, si près d'elle sans même le savoir. Les hommes, et approuver le corps à corps. La stabilité et la rigueur d'écriture, les rituels à l'instar d'une éthique.
Depuis 1994, une loi : celle de l'écriture. Surdouée et militante jusqu'au point final. Héritière de Toni Morrison : « Fille, femme, autre », « Mr. Loverman », « Des racines blondes », tous, l'aurore-boréale du renom. Résistante, intègre, admirable, Bernardine Evaristo offre avec « Manifesto » la voie des possibles et les forces pour affronter les vents contraires. Superbe, immense, « Manifesto » est un outil pour réapprendre ce qui nous aurait échappé : l'amour pour l'humanité et les valeurs militantes. Un manifeste qui semble un lâcher de crayons de couleur, une main tendue, une couverture de laine sur nos doutes et un adage : le libre-arbitre. Traduit de l'anglais (Royaume-Uni) par Françoise Adelstain.
Publié par les majeures Éditions Globe.
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