Ce tome constitue la première partie d'une histoire indépendante de toute autre. Il regroupe les 5 épisodes initialement parus en 2020, écrits par
Al Ewing, dessinés et encrés par
Simone di Meo qui réalise également la mise en couleur, assisté pour cette dernière par Mariasara Miotti. Chaque épisode a bénéficié de deux couvertures, une réalisée par Simeone di Meo, l'autre par Toni Infante. le tome comprend également deux autres couvertures variantes, une par
Christian Ward, l'autre par Jenny Frison.
En 2323, le jeune Georges Malik, encore un garçon, se trouve à bord du vaisseau Vihaan de ses parents, au milieu d'une flotte de vaisseaux équipés pour débiter le corps d'une divinité dans l'espace. C'est la première fois qu'il voit le cadavre d'un dieu dans l'espace. En 2367, le vaisseau Vihaan II se dirige vers le cadavre d'un autre dieu, au milieu d'une flotte de petits vaisseaux, tous équipés pour débiter ce type de cadavre. À son bord, se trouve le capitaine Georges Malik, Ella Hauer coroner, Alice Wirth quartier-maître, et Jason Hauer ingénieur. La cloche sonne, et chaque vaisseau se dépêche de s'approcher du cadavre gigantesque pour revendiquer la partie du corps qu'ils vont débiter, et pour vendre les morceaux par la suite. La première fois qu'on voit un dieu est un moment qu'on n'oublie jamais. Leur échelle impossible. Leur pure immensité. Leur impossible beauté. Les dieux sont toujours beaux. Les dieux sont toujours morts. L'un après l'autre, les capitaines de vaisseau annoncent le numéro de la partie anatomique qu'ils revendiquent. le capitaine Malik a choisi une zone de la joue, juste sous l'oeil gauche. Jason Hauer lui indique qu'il aurait dû choisir l'oeil, car les conglomérats pharmaceutiques achètent très cher cette partie-là en ce moment. Malik répond que la concurrence aurait été trop rude.
Ella Hauer est en position : elle a activé son scalpel laser et elle est prête pour découper la joue de la déesse. le vaisseau est en place, et elle commence à trancher dans la commissure de gauche de la lèvre supérieure. Jason indique qu'il a remarqué une escarmouche au niveau du coeur. Il branche la radio et effectivement, deux capitaines sont en train d'échanger des menaces pour savoir qui a la priorité pour procéder au débitage du coeur. Les deux vaisseaux escortes chargés de la surveillance des opérations, se dirigent vers cette zone. Jason détecte un autre mouvement au niveau du genou. Malik explique que ce vaisseau a découpé ce qu'il a pu le plus rapidement possible et qu'il essaye de s'enfuir, sans déclarer sa prise aux autorités, pour ne pas avoir à payer les taxes. Ils sont tout de suite rappelés à l'ordre par Paula Richter à bord de son vaisseau monoplace, officier en charge de l'opération. le capitaine du vaisseau Pavonis Freedom décide de tenter sa chance malgré cet avertissement, et met les gaz. Richter fait feu et le vaisseau est pulvérisé : avant il y avait un vaisseau avec 4 membres d'équipage, et maintenant il n'y a rien.
Il s'agit donc d'une histoire de science-fiction, se déroulant dans le futur, les humains ayant réussi à construire des vaisseaux spatiaux, à coloniser une partie de l'espace, et à maîtriser la technologie du passage en hyperespace. Ils ont établi un contact avec des créatures intelligentes : des dieux. Il s'agit de créatures humanoïdes, revêtues d'armure, d'une taille gigantesque, et chaque fois qu'un dieu est découvert, il est à l'état de cadavre. le premier épisode établit clairement cette situation, et présente les 5 principaux personnages : le capitaine Georges Malik et les trois membres de son équipage, ainsi que Richter, un officier responsable de la supervision de la découpe des cadavres. Les dessins sont réalisés à l'infographie, avec des couleurs acidulées, des vaisseaux spatiaux originaux. L'artiste fait en sorte de ne représenter que des parties des cadavres, la taille gigantesque des dieux ne permettant pas de les représenter dans une unique case. le lecteur est tout de suite frappé par le caractère malsain de cette récupération de chair, ce comportement de profanateurs. Il imagine qu'en fait la chair reste fraîche et donc utilisable du fait de son caractère divin. C'est écoeurant de voir le corps sans vie de ces êtres extraordinaires, ainsi débité en petits morceaux pour alimenter une industrie pharmaceutique et alimentaire : un acte obscène qui évoque aussi bien des charognards, qu'une voracité sans limite digne d'un ogre, l'humanité étant prête à tout manger, à tout dévorer sans aucune considération morale, sans aucun respect pour des êtres supérieurs. Une abomination.
Il faut un peu de temps pour parvenir à cerner les caractéristiques des dessins.
Simone di Meo détoure les personnages et les éléments de décor d'un trait fin et assuré. Pour autant, il faut un peu de temps pour bien assimiler chaque forme car il appose ensuite plusieurs couches de couleurs à l'infographie, certaines pour souligner un relief, d'autres pour les reflets de la lumière sur une surface brillante, soit une lumière extérieure, soit la lumière projetée par un élément ou plusieurs d'un tableau de bord. Cela aboutit à des éclairages complexes projetant des motifs géométriques sur les silhouettes, et parfois à des ambiances lumineuses très contrastées d'une case à l'autre, en fonction de l'endroit où se trouve un personnage ou un autre, une case à dominante violette pouvant jouxter une autre à dominante verte, et être suivie par une case à dominante rouge. Ce travail particulier sur les couleurs projette donc le lecteur dans des endroits palpables, même si le fond de case est en fait vide de trait. Environ 90% du récit se déroule à bord de vaisseaux et de navettes spatiales, et pourtant avec ce traitement visuel, il n'y a pas d'effet de lassitude ou d'images répétitives, grâce à la mise en couleurs, et la variété des angles de vue. Chaque personnage dispose de sa propre morphologie, d'un visage et d'une coupe de cheveux particuliers ce qui permet de les identifier aisément, même lorsqu'ils portent une combinaison spatiale intégrale.
Du fait de la nature du récit, le principal décor est le vide de l'espace. Là encore, l'artiste sait apporter de la variété. En fait, ces séquences se déroulent soit à proximité du cadavre gigantesque d'un dieu ou d'une déesse, soit dans l'hyperespace. Dans le premier cas, la silhouette immense se trouve en arrière-plan, toujours trop grande pour tenir dans la case, ce qui produit des effets divers. le lecteur ressent toute la majesté de ces entités et le fait qu'elles imposent l'existence de la mort et de son inéluctabilité par leur simple présence. Il sent une sensation d'écoeurement en voyant le scalpel laser géant du vaisseau Vihaan II entamer le découpage de la lèvre supérieure, mettant à nu la gencive en dessous. Il comprend l'idée de ne pas gâcher en voyant les cubes de viande ainsi découpés, être récupérés par le vaisseau, tout en éprouvant une sensation de perte irréparable et de profanation sacrilège intolérable. Dans le second cas, l'artiste s'amuse avec des effets de couleurs pour rendre compte de la supposée déformation de sa perception lors de voyages à une vitesse supérieure à celle de la lumière. le résultat s'avère très agréable à l'oeil, bien dosé sans systématisme, coloré sans effet psychédélique.
Le scénariste a choisi de jouer un peu avec la temporalité, puisque son récit s'ouvre avec une courte séquence d'une page se déroulant en 2323 alors que Georges Malik est encore enfant, puis il passe en 2367. Il fera ensuite de courts retours en arrière en 2366 et 2337. La séquence la plus aventureuse est celle qui alterne une case de 2323, puis une de 2367, puis une de 2337, puis d'une de ces trois époques pendant 3 pages pour mettre sur le même plan l'expérience vécue par les personnages à ces trois moments. Puis le récit revient à une composition plus classique, le temps présent correspondant à 2367, et les autres étant des retours en arrière, le scénariste prenant bien soin de faire figurer l'année correspondante dans la première case de ladite séquence pour être sûr que le lecteur s'y retrouve sans peine. le lecteur se retrouve vite dans l'état d'esprit des personnages : il souhaite en savoir plus sur ces déités mortes. Il est donc de tout coeur avec le capitaine Malik qui a le projet d'en découvrir une vivante. Il est atterré par les événements lorsque le vaisseau Vihaan II y parvient. Mais le récit n'est pas celui d'une exploration spatiale. le coeur du drame réside dans l'intensité avec laquelle Paula Richter désire tuer Georges Malik. le lecteur découvre donc progressivement ce qui l'a conduite à ce désir de mise à mort. Cet antagonisme trouve sa résolution dans ce premier tome.
Il est probable que la curiosité du lecteur soit éveillée par ce titre étrange et morbide. S'il feuillète le tome avant de le lire, il est également attiré par les jolies couleurs. le premier épisode confirme que l'humanité ne découvre des divinités qu'après qu'elles soient passées de vie à trépas. Cela installe une ambiance morbide et un désespoir palpable. Qu'est-il possible d'espérer si ces entités ont toute succombé à on ne sait quoi ? La narration visuelle s'avère personnelle et très adaptée au récit, une forme de science-fiction lumineuse, mais aussi dangereuse. le lecteur se rend compte que sa curiosité sur ces déités décédées passe en arrière-plan, la haine de Richter pour Malik et l'affrontement qui s'en suit en hyperespace passant au premier plan. Il a bien noté que la suite se déroule en 2376.