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Critique de Alfaric


Jim Grisom est un adolescent un pleine crise d'identité. Coincé entre un père alcoolo et bourreau et une mère bigote et victime, il a en plus le malheur de vivre dans les chiottes du monde à savoir le Rust Belt durant les années fric... Cette terre abandonnée des dieux et des hommes connaît une crise sociale, économique et psychologique d'une telle intensité qu'elle nivelle toutes les classes sociales vers la bas : sans horizon, sans avenir, et sans espoir, le prolo Jim Grimson, le bourge Sam Wyzack ou l'aristo Sheila Helsgets trompent leur ennui délétère en expédients mortifères (alcools, drogues, rock & roll). Sauf qu'entre crises de rage et crises d'hallucination Jim Grisom est également victime de violents épisodes psychotiques qui le conduisent à l'Hôpital Psychiatrique... Pour guérir, le Docteur Porsena qualifié de chaman urbain lui propose une thérapie tiersienne basé sur "La Saga des hommes-dieux" de Philip José Farmer, et son dévolu se porte rapidement sur le personnage d'Orc le Rouge, le Seigneur de la Terre en colère contre la terre entière... Pour que Jim sorte de l'asile Orc le Rouge doit-il s'échapper d'Anthéma le monde du refus, ou Orc le Rouge doit-il s'échapper de son monde piège pour que Jim sorte de l'asile ? Car finalement Jim invente-il Orc le Rouge, observe-t-il Orc le Rouge, s'incarne-t-il en Orc le Rouge ou est-il possédé par Orc le Rouge ? Et ce mystérieux cerveau fantôme qui les hante dans les différentes réalités, que leur veut-il à tous les deux ???

Mise à part une mention du tome 5 et l'annonce du tome final de la série, "La Rage d'Orc le Rouge" est épisode du cycle indépendant sur tous les plans. Bien que les frontières soit poreuses avec le solipsisme de Michael Moorcock qui s'est toujours interrogé sur les centres de gravité des réalités individuelles ou ou partagées, nous somme résolument entre new wave et réalisme magique : Philip José Farmer auteur de "La Saga des hommes dieux" romance en 1991 le travail du psychiatre A. James Giannini qui utilisaient les livres de "La Saga des hommes dieux" dans le cadre de ses thérapies de groupe (et les deux bonhommes étant tous des fans de SFFF, cela nous offre moult clins d'oeil savoureux aux grandes oeuvres de la SFFF)... Postmodernisme ou magnifique boucle bouclée pleine d'humanité ? Tout cela est loin d'être tiré par les cheveux car les hommes dieux sont les démiurges et les maîtres de leurs univers de poche de la même manière que les patients sont les démiurges et les maîtres de leurs univers mentaux.... En plus le personnage principal de la série est un schizophrène dont les deux personnalité finissent par s'influencer et s'entraider pour s'équilibrer et finalement fusionner : c'est un peu l'objectif de la thérapie tiersienne qui revient de manière spiralaire dans les méthodes de la psychiatrie moderne...
Sur fond de mythologie blakienne les aventures et mésaventures d'Orc le Rouge rappellent tout autant celles de Rahan que celles de Tarzan, celles de Robin Crusoé que celles d'Edmond Dantès, et elles empruntent beaucoup à l'âge d'or des pulps en reprenant les codes des escape games qui ont fait la célébrité de la série. Mais le plus important c'est que sommes bien davantage dans la littérature du réel que dans les littératures de l'imaginaire avec la description de la déliquescence sociale du nord-est industriel des États-Unis dans les années 1980 (avec plusieurs passage rappelant le "Trainspotting" de Danny Boyle qui lui mettait en scène l'agonie de l'Écosse), et le processus de guérison long et douloureux de Jim Grimson un adolescent paumé au milieu de ce merdier qui a été souhaité et programmé par ces connards de Chicago Boys. Mais ce dernier n'est pas isolé et on retrouve d'autres paumés dans son groupe de thérapie :
- il y a le jeune sportif athée Brooks Epstein traumatisé par la faillite et le suicide de son père que sa famille juive veut absolument faire revenir à la synagogue et transformer en avocat ou en médecin...
- il y a Sandy Melton, métisse qui d'un côté adore son père WASP souvent absent du foyer et qui d'un autre côté déteste sa mère coréenne scotchée sur son canapé
- il y a Gillman Sherwood, artiste bisexuel dont son père magnat des affaires veut absolument faire un requin en costard cravate...
- il y a aussi Élisabeth Lavenza, brisée par des années d'abus sexuels imposés par son beau-père...
- il y aussi Ben Ligei le toxicomane et Kathy Maidanoff la nymphomane...

Le patient renvoie dos à dos Freud, Jung, Harry Stack Sullivan et compagnie, mais le docteur lui associe toutes leurs théories pour faire avancer sa guérison, et suivre la manière dont Jim Grisom finit par prendre le contrôle de sa vie s'avère fascinant... Alors certes je suis loin de connaître l'auteur par coeur, mais ce livre est pour l'instant le mieux écrit que j'ai lu de lui (je gage que le travail de traduction d'Arnaud Mousnier-Lompré n'y est pas étranger ^^). Sans doute plus intéressant que plaisant, je suis très curieux de savoir ce que penserait de tout cela des lecteurs passionnés autant de SFFF que de psychologie (suivez mon regard ^^) !
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