De longues périodes de sécheresse ou des précipitations diluviennes. Les entre-deux étaient rares. Ces conditions extrêmes nuisaient aux cultures, qui étaient soient assoiffées, soient noyées, aussi Wade n'était-il plus nécessaire pour manoeuvrer les gros engins, sauf de manière sporadique, sur des fermes isolées. Les récoltent se raréfièrent , puis les plateformes pétrolières commencèrent à fermer. Incapables de résister à l'assaut permanent des intempéries. Il obtint un maigre solde de tout compte qu'il croyait suffisant pour le maintenir à flot le temps de trouver un autre poste, hélas il ne trouva jamais d'autre poste. Les sociétés retirèrent leurs franchises du Mississipi et de la Louisiane . La population diminua. Les magasins mirent la clé sous la porte. Personne n'embauchait et ceux qui avaient assez d'argent pour investir dans la région n'étaient plus disposés à prétendre que le réchauffement climatique était une fable.
- Le patron nous force à mettre cette chaîne, murmura-t-elle. Je crois qu'il veut nous laver le cerveau.
- Il va y arriver, si tu continues.
Le coyote s'approcha encore. Soudain, il leva la tête et scruta la route ; à la lisière de l'obscurité, un moteur grondait. Des phares apparurent, une intrusion mécanique dans le monde sauvage.
Ainsi, dés son âge le plus tendre, la radicalité lui apparut comme la norme.Si une chose s'obtenait sans risque ni sacrifice, elle ne valait strictement rien.
– Papa ?
Quelque chose en lui bascula. Un grand chavirement de son âme.
– Papa ?
Quand il voulut répondre, il prit conscience qu’il avait le souffle coupé et revit le pied minuscule de sa fille dans sa paume burinée, les grands yeux bleus émerveillés de sa fille qui agrippait son pouce et, s’il n’avait entendu un vague grondement en provenance de l’orage qui s’éloignait, il aurait lâché le combiné et se serait effondré par terre, mais le tonnerre lui restitua son souffle ainsi que son cerveau, et il parvint à répondre à sa fille.
– Jessie.
Il suivait les mouvements des nuages dans le ciel bleu et poudreux, s’évertuant, par la seule force de sa volonté , à les pousser de-ci,de-là. Hélas les nuages n'obéissaient qu'au vent.
Quelque chose dans le ciel infini lui donnait l'impression que la terre entière était en sommeil. Sereine l'espace de quelques heures. Que les fusils et ceux qui s'en servaient au milieu de nulle part n'existaient pas.
Il avait toujours aimé la sensation d’être dehors la nuit. A écouter les cris, les appels et l'agitation des créatures nocturnes.
On aurait dit que le monde avait été mis sur pause. Tout était immobile et silencieux. Pas de grenouille ni de hiboux ni d'oiseaux nocturnes.