Frankenstein est un personnage qui nous habite et nous accompagne. Fait de mort et de vie, de réalité et de fiction, créateur et créature, insaisissable oxymore, il s’est dès le début échappé des limites du roman pour devenir personnage de théâtre, de cinéma, de bande dessinée, de jeu vidéo, objet de blogs ou de nourriture … Double lointain et proche qui concrétise nos pouvoirs et nos peurs, il hante plus que jamais nos consciences. Figure crépusculaire, il annonce la fin du règne des Lumières, de l’idéal d’une connaissance, source infaillible du progrès humain, comme l’avaient rêvé Mary Wollstonecraft et William Godwin. Mais, figure inaugurale, il illustre, au seuil du XIXe siècle, la métamorphose d’une science qui vise moins le savoir que le pouvoir, et d’abord, celui, absolu, de percer le secret de la vie, de réanimer les chairs mortes, de dérober à Dieu son pouvoir de créer. Il illustre la métamorphose d’une science qui ne vise plus à transformer le monde mais à le fabriquer. Il dit notre tentation de devenir la créature auto-fabriquée de nous-mêmes, le rêve contemporain d’un destin de chimère et d’artifice.
Le livre imprimé à cinq cents exemplaires, est publié, sans nom d'auteur, au prix de 16 shillings 6 pences. Shelley passe commande de plusieurs ouvrages pour assurer ce qu'on nommerait aujourd'hui un "service de presse".
La créature de Frankenstein dit les tourments de Mary. Monstre, la jeune fille, dévastée parla culpabilité, se vit comme l’assassin d’une mère appelée à avoir le destin d’une illustre philosophe. Écrivain, elle tente par l’écriture de Frankenstein de racheter sa « faute » et d’avoir, comme sa mère, un destin de créatrice. Le roman de Mary Shelley offre un exemple de génétique littéraire. En écrivant, Mary poursuit le destin de sa mère tout en tentant de la ressusciter. En cela, la fabrication scientifique du monstre est une métaphore de l’acte de résurrection littéraire à laquelle Mary tente de se livrer. Mort et destruction finissent aussi bien dans la vie que dans le roman par l’emporter. Le monstre exprime, en un saisissant court-circuit, la face double de Mary, à la fois destructrice et créatrice.
Ces adaptions théâtrales ne rapportent pas un sou à Mary, l'affiche ne mentionnant pas son nom, comme on l'a dit, à une époque où il n'y a pas de protection des droits d'auteur.
Un jeune disciple d'Agrippa profite de l'absence de celui-ci pour s'emparer d'un livre de magie. il prononce les incantations rituelles qui font apparaître un démon lorsqu'elle sont lues à haute voix. Le jeune homme, pris de panique, avoue au démon qu'il l'a fait apparaître pour rien. Pris de violente colère, ce dernier, en retour, l'étrangle.
Dans son roman Mary Shelley suggérera elle-même la force magique et créatrice du langage. Elle en dotera le personngage de Victor dont les paroles, bien qu'elles "soient choisies avec l'art le plus rare, coulent avec rapidité et avec une éloquence sans égale".