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Critique de chartel


Ce roman de Faulkner, "Absalon, Absalon !", est fabuleux. Oui, il est l'oeuvre d'un auteur d'exception, qui aura forcément ouvert de nouveaux champs à la littérature : sémantique, poétique ou même historique. On pourrait objecter qu'il serait pompeux, voire même précieux, de définir du nom de génie un auteur qui plonge son lecteur dès le début du roman dans un gouffre de perplexité, dans une espèce de labyrinthe intérieur, nous engonçant dans ce dédale pour nous forcer à trouver nos propres clés et ouvrir nos propres brèches afin de ne pas s'installer dans la position facile et tentante du lecteur passif et inerte, mais plutôt dans celle du lecteur explorateur et chercheur, créant son propre chemin, ou, encore plus intéressant, ses propres chemins, dans la masse immense et vertigineuse proposée par Faulkner. "Absalon, Absalon !" est donc une oeuvre qui se lit patiemment, bien qu'elle devrait aussi, idéalement, se lire d'une traite (ce ne fut pas mon cas, le roman fait plus de quatre cent pages), car elle demande attention et suppositions. Elle ne plaira sûrement pas aux adeptes des romans formatés qui n'attendent de leurs lecteurs que de sortir les gros billets des poches, de mettre le cerveau en veille et enfin d'oublier le livre dans une bibliothèque de décorum ou mieux encore dans le fond d'une fumeuse décharge. Faulkner n'a pas écrit pour nous divertir, nous faire rire un bon coup. On sent qu'il y avait chez lui comme une nécessité impérieuse d'écrire. Ce roman en est un reflet car il traite à la fois de son histoire personnelle, celle du Sud des Etats-Unis, de la Guerre de Sécession et de ses conséquences sur les générations qui lui succédèrent, et traite aussi de la question même de l'écriture, de son processus, de sa lente et difficile maturation et enfin de son essence, de sa substance.
Au delà du récit d'un homme débarquant de je ne sais où, un certain Sutpen, s'installant à Jefferson, Mississippi, dans la seconde moitié du XIXe siècle, pour y bâtir une plantation cotonnière, avec une vingtaine de sauvages à son service et un curieux architecte et ayant pour projet d'initier une sorte de dynastie familiale, une lignée Sutpen, au delà de ce récit ce roman est avant tout celui de la distanciation face aux principes de la fiction. Les différents narrateurs, témoins ou protagonistes de l'histoire, ne cessent en effet de nous signaler leurs incertitudes et leurs interrogations sur la réalité de ce qu'ils nous racontent. Souvent, les personnages apparaissent comme des ombres, des entités troubles et indéfinies, exposant ainsi magistralement les mécanismes du processus d'écriture de Faulkner. Enfin, comme le dit très bien la belle préface de François Pitavy, ce roman est l'expression d'un fardeau, le fardeau de l'esclavage des Noirs des anciens Etats confédérés. Un fardeau perpétuel parce qu'il ne fut jamais assumé. Il est d'ailleurs très intéressant de lire aujourd'hui les dernières pages du livre au regard de l'actualité politique américaine et de la récente élection à la présidence de Barack Obama. William Faulkner était donc bien un génie de la littérature, puisqu'il nous parle encore, il parle à Obama, il parle aux Américains. Je ne sais pas si Marc Lévy, Dan Brown ou Amélie Nothomb leur parlent, parlent-ils d'ailleurs ? Non ! ils bavardent.
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