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Critique de Edouard22


Imaginons un lac volcanique en Islande, ou un volcan en activité en Sicile. Les matières en provenance du sous-sol remontent lentement jusqu'à la surface, en se chargeant des minéraux, gaz et autres composés qu'elles rencontrent lors de ce processus. Arrivées à la surface du lac ou du volcan ces gaz et matières en fusion créent des tourbillons et éclatent en bulles, jets de gaz, émissions de lave ou explosions diverses avant de se répandre dans l'atmosphère ou sur les flancs du volcan. Eh bien il en est de même des personnages de "Le bruit et la fureur" de William Faulkner chargés de leurs actions, heurs et surtout malheurs de leur passé, sauf que la comparaison s'arrête là : ils vivent au jour le jour, sans perspective d'avenir, installés sur la flèche du temps et tournés vers son empennage. Avec eux nous sommes prisonniers de la surface du lac ou de la cheminée volcanique dans un monde qui n'irait pas plus loin que cette surface, un monde conditionné par le passé mais sans avenir. Cette image est une façon se souscrire au commentaire de cette oeuvre de 1929 écrit par Jean-Paul Sartre en 1939, qui mettait en évidence ce rapport au temps chez Faulkner. Il n'est d'ailleurs pas étonnant que ce philosophe existentialiste se soit intéressé à cet auteur en particulier : ceci explique cela.
Mais qu'est ce qui les a traumatisés à ce point ? Est-ce la déchéance de la famille Compson qui a poussé le père Jason à se réfugier dans l'alcool, la fille Caddie à se délurer et à abandonner son enfant Quentin (fille), le fils Quentin (garçon) à aimer sa soeur Caddie plus que de raison et à se suicider après le mariage de cette dernière, le fils Jason à haïr sa nièce Quentin, abandonnée puis elle aussi délurée (avant elle-même de s'enfuir) ? Quant au dernier fils Maury, dit Benjy, attardé mental, il y a longtemps qu'il a démissionné de tout. Ou est-ce plutôt le pessimisme noir de leur père à tous, William Faulkner. Probablement est-ce de cela qu'il s'agit et que l'on retrouve dans ses autres romans, par exemple Tandis que J'agonise ou Lumière d'Août.
Mais dans le bruit et la fureur on ne retrouve pas la puissance, et même l'extraordinaire, du style de Lumière d'août. Nous avons au contraire une lecture qui commence très difficilement, avec le monologue intérieur de Benjy (peut-il en être autrement s'agissant d'un idiot ?), puis encore difficilement avec les pensées de Quentin (garçon) le jour de son suicide, puis moins malaisée avec les pensées de Jason fils, puis, pourrait-on dire, normalement avec la fuite de Quentin (fille).
Après une première lecture inconfortable, ce roman, plutôt cérébral bien qu'extrêmement connu, ne m'apparaît pas comme le meilleur de Faulkner. Question de goût sans doute, mais sans doute faut-il le lire une seconde fois pour mieux l'apprécier.
Traduction Maurice Edgar Coindreau
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