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Valery Larbaud (Préfacier, etc.)Maurice Edgar Coindreau (Traducteur)Michel Gresset (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782070363070
254 pages
Gallimard (16/01/1973)
4.18/5   678 notes
Résumé :
"Tandis que j'agonise" est un roman paradoxal. Paradoxal, d'abord au vu du faible succès public qu'il rencontra, alors qu'il allait marquer un grand nombre d'écrivains ou d'artistes tel Jean-Louis Barrault qui fit du roman une de ses premières pièces ("Autour d'une mère"). L'autre paradoxe veut que l'auteur se soit peu investi dans la rédaction de ce texte. Faulkner l'aurait écrit en six semaines, entre minuit et quatre heures du matin, au fond d'une soute à charbon... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (59) Voir plus Ajouter une critique
4,18

sur 678 notes
Il s’agit là d’une écriture très particulière. C’est la retranscription du parcours de vie d’une famille, mais selon un processus et au cours d’une procession peu ordinaires. Les sections d’expressions sont rigoureusement attribuées et secrètent un langage intérieur proche de la pensée directe, laquelle s’extériorise simultanément, au fur et à mesure de l’émergence et de la production. Ce qui nous donne un texte d’une profondeur et d’une pureté rares. Si Larbaud, Malraux, Barrault et bien d’autres encore ont pu dire de ce livre qu’il les avait marqués, à chacun alors de trouver jusqu’à quel point. Et, Tandis que j’agonise, sacré William ! Évidemment, rien ne me vaut une telle familiarité, sinon que je suis conviée à l’accompagnement d’une marche funèbre. Car en effet, si l’action m’apparaît tant réelle, c’est que la défunte n’aura revêtu ce statut qu’après l’accomplissement du vœu ultime, son retour parmi les siens, d’où le périple jusqu’en Alabama. Ce qui par ailleurs a de quoi me surprendre, quand j’entends le père, Anse, commander à Dewey Dell de préparer le repas de feu sa mère, Addie, et pour eux-autres, car dit-il : « Il faut soutenir ses forces ». De quoi me renforcer dans l’idée que la mort n’apparaît véritablement que dans l’oubli, ce d’autant que je me sens si proche de l’auteur que pourtant je découvre aujourd'hui. Mais rien n’est aussi simple, ni monotone, quand la mort de la mère se vit comme un séisme. C’est le pilier central du lien, le mur porteur de la maison qui s’écroule. Il se fissure peu à peu comme un point de saignée qui s’élargit, une plaie véritable qui prend acte peu à peu dans la chair du tout filial et familial en même temps que la mort se propage dans la réalité. Et paradoxalement, c’est beau. Le tour de force à mon sens étant que le texte est tellement vivant qu’il occulte l’esprit de gravité pour inscrire chacun en son déclin aussi bien que dans un éternel recommencement.
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La légende dit que William Faulkner aurait écrit ce roman, Tandis que j'agonise, en six semaines, en 1929.
Nous sommes dans le Mississipi, dans les années vingt. Dans cette atmosphère étouffante, je découvre une famille de paysans humbles, qui récolte le coton.
Il s'agit d'un récit polyphonique qui met en scène une famille de paysans bouleversée par ce qui arrive à leur mère, Addie Bundren, celle-ci s'apprête à mourir. Autour d'elle il y a Anse, le père et les cinq enfants.
L'auteur bouleverse ici les codes de la narration classique, convoque les personnages à travers une succession de monologues intérieurs.
Chaque personnage cache en lui un secret douloureux ou dérisoire.
Les voix des enfants sont différentes, certains sont submergés par la colère, d'autres par la tristesse et la douleur, certains par une poésie onirique. Ah ! Comme j'ai aimé la voix touchante de Vardaman...
Lorsque le roman débute, la mère n'est pas encore morte. Elle est mourante, elle est entourée de sa famille, elle est consciente, elle agonise, tandis qu'elle sait qu'elle va mourir, elle a cependant décidé d'orchestrer la fin de sa vie en demandant à son fils ainé Cash de lui fabriquer son cercueil, quasiment sous ses yeux, là-bas dans le hangar où est entreposé le coton après la récolte.
En prêtant l'oreille, dans les mots que nous délivre Faulkner, on pourrait presque entendre Cash scier, clouer, raboter... tandis qu'Addie Bundren respire difficilement, agonise...
Ce roman est une magnifique symphonie des adieux, ce sont des paysans bouleversés par la mort de leur mère.
Le silence est la base de ce roman, c'est son fondement.
Les personnages sont des gens rustiques, des taiseux, ne se parlent pas entre eux, et qui ne parlent que lorsqu'ils sont seuls ou à distance. On les sent en proie à une profonde solitude.
Il y a quelque chose de théâtral, une poésie charnelle et crépusculaire dans cette lumière du Mississippi.
La parole des uns et des autres scelle des mots, des pensées, des images, tandis que Cash scie, cloue, rabote.
Autour du cadavre de la mère, les monologues intérieurs recomposent les vies de chacun, jusqu'au point final.
Ce sont des personnages perdus dans une terre brûlante et aveugle.
Addie Bundren exprima le souhait de se faire ensevelir à quarante miles de là sur la terre de ses ancêtres.
Anse Bundren, son époux et ses cinq enfants entreprennent alors un voyage funéraire pour aller enterrer la mère sur le lieu de son souhait.
Sous un ciel orageux, le convoi s'en va.
Alors des images saisissantes viennent, une charrette tirée par des mules affolées par les flots de la rivière qu'il faut traverser tandis que les ponts ont été chavirés par le tumulte des flots, une grange qui prend feu...
Plus tard, passer de l'autre côté de la vie n'empêchera pas Addie Bundren de parler.
La voix d'outre-tombe d'Addie est vibrante d'émotion. C'est le cri d'une femme qui révèle sa douleur d'épouse qui fut. Elle dit sous la tombe enfin scellée ce que sa vie fut de souffrance et d'un manque d'amour.
La terre obscure du Mississippi n'empêche pas sa voix de venir à nous, grâce à l'écriture somptueuse de William Faulkner, avec un ton féministe qui m'a touché.
De nombreux artistes ont encensé ce très beau roman : Valéry Larbaud, Jean-Louis Barrault, David Bowie... Ils ont eu mille fois raison d'aimer ce texte éblouissant.
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Ayant déjà lu le Bruit et la Fureur, j'étais prêt à revivre une nouvelle aventure avec un autre roman de William Faulkner : Tandis que j'agonise. Un véritable défi puisqu'il s'agit d'une lecture exigeante qui demande beaucoup d'attention. A vrai dire, on se sent comme à la recherche de la solution d'une énigme dont les indices sont éparpillés et enfermés hermétiquement dans des cachettes obscures. Et l'on doit ainsi suivre et trouver tout ce qui peut nous aider à comprendre ces mystères. C'est comme si William Faulkner n'informe pas, il cache, et par conséquent, c'est au lecteur de reconstituer l'histoire.

Tandis que j'agonise est un exercice de lecture à la fois difficile et captivant, puisqu'à chaque fois qu'on éclaircisse un événement ou on découvre un secret, on est plus content et plus excité aussi. Cette difficulté vient de plusieurs éléments. D'abord, le nombre de narrateurs, presque une quinzaine. Et là le lecteur doit s'adapter à la psychologie de chaque personnage puisque chaque chapitre raconté par un personnage est une sorte de monologue où le narrateur s'exprime avec liberté. Cette méthode s'inscrit dans ce qu'on appelle le courant de conscience et qu'on retrouve aussi chez Virginia Woolf entre autres. Ensuite, la narration polyphonique ne suit pas toujours un déroulement purement chronologique ; des flash-back, des ellipses narratives et parfois de véritables délires ou paroles d'enfant entrent en jeu. N'oublions pas que les narrateurs sont diverses et représentent des âges aussi différents et une multitude de caractères. Enfin, il est plus question d'expression intime et de monologue interne que de véritable narration ; autrement dit le narrateur ne cherche pas à informer le lecteur mais d'exprimer ses sentiments, de justifier ses actes, de juger les actes des autres et parfois de donner libre cours à ses divagations.

Tandis que j'agonise ; titre assez poétique ! cela est normal puisqu'il est inspiré d'Homère. Chose étrange, le titre de son roman précédent le Bruit et La Fureur lui aussi est inspiré d'un poète ; Shakespeare. Tandis que j'agonise est une marche funèbre dans l'impossible à travers les misères d'une famille où chaque membre est isolé comme une île dans un archipel. Chacun est animé par des sentiments différents et un but personnel (pour certains personnages) tout en participant à ce voyage qui devient une véritable odyssée. L'affaire tourne mal et effleure la catastrophe. Chaque personnage est affecté d'une manière ou d'une autre. L'auteur, avec une excellente maîtrise psychologique, a réussi à mener jusqu'au bout son défi romanesque et à maintenir la tension jusqu'au bout en multipliant les coups de théâtre. La chute du roman même en est une.

A vrai dire, je ne veux pas donner plus d'indices pour ne pas ôter le charme d'une lecture sans à priori.
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Toujours un plaisir de lire un Faulkner encore jamais lu. Et étrange que j'ai mis tant de temps à lire celui-là. C'est en effet un des premiers traduits en France, qui aura permis à toute une génération d'intellectuels de découvrir Faulkner et a même été adapté sur scène à l'époque en 1935, à peine traduit.

L'écriture du livre est contemporaine du Bruit et la fureur (qui reste pour moi son chef d'oeuvre) et du scandaleux Sanctuaire (qui lui amènera la notoriété aux Etats-Unis). Faulkner y déploie son art du monologue intérieur, mais avec la prouesse de le faire avec une multitude de personnage successifs. La technique du courant de pensée, où on est aux premières loges pour observer la pensée en train de se construire de chacun des personnages, est totalement maîtrisée ici. Il fait partie de ces livres où il faut s'accrocher pour saisir tous les tenants et aboutissants et où, une fois l'effort accompli, on ne peut qu'être subjugué par les prouesses d'écriture et saisi par l'authenticité que cela confère aux personnages.

Le contexte, bien annoncé par le titre, de l'agonie et du décès de la mère et de ses conséquences sur une famille nombreuse (le père, les quatre fils et la fille) permet une observation sociologique mais surtout psychologique voire psychanalytique de ce qui se joue dans ces instants. le tout trouve son cadre dans un périple au coeur du Sud américain profond, dépeint justement, sans bienveillance exagérée mais avec sincérité.

Mis sous le microscope faulknerien, les personnages ne peuvent qu'apparaître terribles, la dissection n'étant pas l'exercice qui embellisse le plus. En parallèle du Bruit et de la Fureur, autopsie d'une famille bourgeoise de ces régions, c'est ici le peuple de la terre qui est scruté et, à rebours d'un Steinbeck qui en magnifie la plupart du temps le courage, c'est plutôt les bassesses, les renoncements et les égoïsmes de chacun que l'auteur nous donne à voir, comme un miroir de nos propres faiblesses.
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William Faulkner n'est pas un grand sentimental. Il contamine chacun de ses personnages de son mal-être qu'il noie dans des litres de whisky. La boisson alcoolisée lui ouvre les portes de sa psyché, fait sauter les cadenas du coffre qui renferme toutes ses angoisses et toutes ses frustrations, et lui permet de déverser dans un flot illusoirement non maîtrisé de mots toute l'horreur banale que lui inspire la vie, sa vie.
Dans « Tandis que j'agonise », Addie Bundren est en train de mourir. Elle est la mère de cinq enfants qu'elle a élevés dans une petite ferme du comté de Yoknapatawpha dans le Mississippi. Son mari, Anse, a fait la promesse de ramener sa dépouille à Jefferson, à plus de 40 miles de leur maison. Il aurait préféré consacré l'argent des obsèques à l'achat d'un dentier, mais il y a parole donnée et il s'y tiendra. Elle n'a pas expiré son dernier souffle que l'on entend le rabot de Cash, son fils aîné, polir les planches de son cercueil… alors le cercueil prit la route…
Faulkner décrit parfaitement l'égoïsme de ses personnages, écartelés entre leurs aspirations personnelles et le respect de la morte, la sécheresse de leurs sentiments justifiée par un contexte de précarité, à la limite d'une grande pauvreté et par la rudesse d'une vie envahie par le travail manuel.
Faulkner n'est pas quelqu'un d'agréable à vivre. Il dira à sa fille que personne ne se souvient du prénom des enfants de Shakespeare. On ne peut pas dire que dans la famille Falkner, car le « u » n'est venu que plus tard, que l'on déborde d'attention vis-à-vis de ses enfants. D'ailleurs il déteste son père. Lors d'un séjour à Paris, Faulkner qui a loué une chambre près du jardin du Luxembourg, est surpris de voir les français parler à leurs enfants comme s'ils étaient leurs égaux, leur témoigner de l'intérêt.
Il recopie cette relation dénuée de sentiment, à la limite de l'humanité qu'il a connu pour l'appliquer à Anse et à sa progéniture, une relation fonctionnelle où chacun se sert des autres pour avancer vers son propre but.
L'auteur a sûrement fait les frais dans sa jeunesse de ce manque d'affection de la part de sa famille et peut être y trouve-t-on là le début d'une explication quant à l'absence d'émotions de ses personnages, leur insensiblerie et son choix d'aller les pêcher dans les couches sociales les plus basses de l'Amérique, parmi les « nègres blancs » du Sud, les « white trash », traduisez : les salauds de pauvres, afin d'illustrer la bestialité de ce type de rapport.
Faulkner écrit « Tandis que j'agonise » en quelques semaines, en même temps qu'il rédige la seconde version de « Sanctuaire ». Une diversion qui est une excellente entrée en matière sur l'ensemble de l'oeuvre de cet auteur et qui permet de se familiariser avec l'hermétisme de son écriture et la folie aliénante de ses histoires, tant dans le fond que dans la forme.
Ce serait certainement le premier roman de Faulkner à lire avant de s'attaquer au reste.
Traduction de Maurice Edgar Coindreau.
Préface de Valery Larbaud, postface de Michel Gresset.
Editions Gallimard, Folio, 246 pages.
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Citations et extraits (80) Voir plus Ajouter une citation
Conséquemment, ça n’a jamais été Sa volonté que l’homme habite sur une route parce que, je vous le demande, qu’est-ce qu’est fait d’abord, la route ou la maison ? L’a-t-on jamais vu poser une route près d’une maison ? Je vous le demande. Non, jamais de la vie, que j’dis, parce que c’est toujours les hommes qui n’ont pas de paix jusqu'à ce qu’ils aient une maison là où que tous ceux qui passent en charrette peuvent cracher sur leur seuil, que ça donne aux gens la bougeotte, l’envie de se lever, d’aller ailleurs, alors que dans Son idée, Il voulait que les hommes restent tranquilles, comme les arbres ou les pieds de maïs.
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C’est un fait à remarquer qu’un homme paresseux, un homme qui n’aime pas le mouvement, s’entête toujours à aller de l’avant une fois qu’il est parti. C’est exactement comme quand il refusait de bouger. Comme si ça ne serait pas tant le mouvement qu’il déteste que le fait de partir ou de s’arrêter.
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Faut bien avouer que la vie est dure pour les femmes. Pour certaines femmes. Ma vieille maman a vécu soixante-dix et quelques années. Elle travaillait tous les jours, sous la pluie comme sous le soleil. Pas un jour de maladie depuis la naissance de son dernier, et puis, un beau jour, elle a comme qui dirait regardé tout autour d'elle ; elle est allée retirer du coffre la chemise de dentelle qu'elle gardait depuis quarante-cinq ans sans la porter. Elle l'a mise, et puis elle a tiré les couvertures, et puis elle a fermé les yeux : "Faudra qu'vous preniez soin d'vot'père, qu'elle a dit, moi j'suis fatiguée.
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"Des fois, je ne sais pas trop si l'on a le droit de dire qu'un homme est fou ou non. Des fois, je crois qu'il n'y a personne de complètement fou et personne de complètement sain tant que la majorité n'a pas décidé dans un sens ou dans l'autre."
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Mais je ne suis pas si sûr qu'un homme ait droit de dire ce qui est fou et ce qui ne l'est pas. C'est comme si, dans chaque homme, il y avait quelqu'un hors des limites de la raison et de la folie qui, témoin des actes raisonnables et insensés, les jugerait avec la même horreur et le même étonnement.

p.226
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« le Bruit et la fureur » de William Faulkner, c'est à lire en poche chez Folio.
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