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Critique de Meps


Plus j'avance dans la lecture de Faulkner, plus je me dis qu'il ne m'en restera forcément bientôt plus. Heureusement que j'ai commencé il y a longtemps et il me restera donc le plaisir de relire les plus anciens pour refaire une critique sur Babelio. Signe de cette fin qui s'approche, me voici dans la lecture du dernier roman du maître.

Beaucoup de critiques ont souligné que c'était sans doute le roman le plus léger de Faulkner. Et il est vrai que là où Sanctuaire raconte avec une précision horrifique le drame d'un viol, là où le Bruit et la Fureur nous décrit les soubresauts d'une famille en décomposition, là ou Tandis que j'agonise évoque l'agonie et le décès de la mère et toutes les conséquences sur la famille... Les larrons nous raconte l'escapade de 3 compères pendant 4 jours en voiture, d'une petite ville du Mississipi vers la grande ville voisine de Memphis au Tennessee.

Parmi ses 3 compères, le narrateur, jeune garçon de 11 ans mais qui raconte ici cette aventure à son petit-fils, bien des années plus tard. Ce choix complexe de narration permet à Faulkner de déployer tout l'art du courant de conscience qu'il a utilisé dans la plupart de ses romans, mais avec l'enjeu plus léger d'une escapade un peu canaille. Mais chez Faulkner, rien ne peut être totalement léger et anodin, car le jeune Lucius nous dit bien qu'il a appris beaucoup de choses qui n'étaient pas de son âge dans cette virée. le choix des 3 "larrons" du titre est déjà assez symptomatique et permet à Faulkner de rester dans la satire sociale : un ancien esclave devenu employé de maison, un métis (blanc-indien) attardé que la famille du petit garçon a recueilli, et donc ce Lucius de 11 ans, caution des deux autres qui leur assure un risque moins grand de réprimande au retour si les choses ne se passent pas comme prévu.

Au delà des trois héros, Faulkner nous fait rencontrer les personnages haut en couleur du Sud. Autre différence par rapport aux autres romans, là où il choisissait de décrire la violente et sévère réalité de son Sud dans le reste de sa production, il semble ici vouloir lutter contre les a priori: le domestique noir est le plus malin et se joue des Blancs, la prostituée au grand coeur se questionne sur sa vie et son destin, les grands-pères se ressemblent par delà les races et mènent les enfants à bien comprendre les leçons que la vie leur fait rencontrer.

L'intérêt également pour le fan de Faulkner est de retourner une dernière fois dans ce comté de Yoknapatawpha qu'il nous a tant fait visiter. Pour les initiés, il y a de nombreux rappels aux autres oeuvres, notamment au tout débuts et les personnages emblématiques de Stupen, Manfred Spain ou des Snoopes, ne peuvent que rappeler de bons souvenirs de lecture. Je rapprocherais d'ailleurs ce dernier roman de la trilogie des Snoopes, beaucoup plus dans la comédie également que le reste de l'oeuvre.

Sous des abords de fable légère, Faulkner ne nous montre-t-il pas, avant de partir, son vrai visage, lui qui a beaucoup été critiqué pour son racisme supposé, alors qu'il ne faisait que retranscrire le monde où il a évolué, post-esclavagiste mais trop proche de lui pour ne pas en garder tous les aprioris. Alors qu'il fait preuve de réalisme d'habitude, il est symptomatique que ce soit quand son histoire est la plus romancée qu'on le découvre du coup plus humain... La réalité est sans doute trop noire pour beaucoup de gens, le défaut de Faulkner aura donc été de ne pas refuser de l'affronter.
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