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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
César Fauxbras raconte dans ce livre, paru en 1935, une vie de galère.
C'est un livre sombre, dur et cru qui déroule la misère sans fard et sans manières, le journal d'un chômeur de l'entre deux guerres.
C'est aussi un livre engagé, où l'auteur crie sa révolte et la violence que lui inspire l'injustice.
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1934-1935, suite à la "crise" de 1929 apparait en France le chômage de masse. Un grand nombre d'ouvriers, d'employés se retrouvent à dépendre des maigres allocations que leur dispute âprement une administration tatillonne à la chasse des "resquilleurs". Survivre pour tous ces gens redevient une problématique quotidienne face aux logiques implacables du marché "libéré". César Fauxbras sait de quoi il parle, lui qui vécut souvent en leur compagnie, partageant leur misère et leurs rares bonheurs. Mais son regard est sans concession et ne fait pas dans le misérabilisme. Il n'est pas dans sa manière de cacher ce qui dérange. Cette franchise lui valut la censure de "L'Humanité" au moment de la parution de ce livre; ce qui ne surprendra personne après lecture, vu le peu d'illusion qu'il y nourrit sur la valeur émancipatrice du parti stalinien dont les cadres ne semblent avoir d'autres ambitions que de remplacer la bourgeoisie dans la structure hiérarchique de la société.
Et puis plus loin encore :
"Mais les pires ennemis du peuple ne sortent-ils pas du peuple ? La bourgeoisie, depuis qu'elle règne, n'a-t-elle pas recruté ses soutiens parmi les prolétaires ? Le capitalisme survivrait-il un seul jour à la défection de la police, de la garde mobile, de l'armée de métier, toutes issues de la plèbe ? "
ah au fait, bienvenu dans la loi "Travaille !"
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Passionnante épopée de Kléber Gaston Gabriel Alcide Sterckeman, alias César Fauxbras. Ce récit est sans doute le seul en ce genre. En 1931/1932, la crise américaine devenue mondiale, atteint la France, qui avait été épargnée en 1929, sans doute parce que les relations entre les deux nations étaient moins interdépendantes que celles qu'entretenaient Etats-Unis et Allemagne par exemple. Bref, notre auteur se retrouve frapper par le chômage, et doit se faire pigiste pour s'en sortir. En résulte se passionnant journal d'un chômeur, où chaque personne épousant de force cette condition se retrouve noyée dans une masse urbain pauvre. Fauxbras fait de ce journal une succession de rencontres, qui sont forcément déçues (car la condition de chômeur ne peut être heureuse). Avec sarcasme, ironie, et une plume argotique, on plonge dans ce Paris délaissé par les auteurs et par l'historiographie. Un témoignage poignant et unique.
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En lisant Viande à brûler, j'ai eu l'impression de lire Les raisins de la colère revisité par Alphonse Boudard. Comme dans l'oeuvre de Steinbeck, ce livre est l'histoire d'une multitude que la grande crise de 1929 a transformée en chômeurs dont personne n'a besoin. Suivant la règle de l'offre et de la demande, les salaires diminuent car les heureux élus parmi les ouvriers acceptent des conditions indécentes en remerciant le ciel d'avoir trouvé un emploi.
Contrairement à l'Amérique des Raisins, la France aide les sans-emplois, mais leur donne à peine de quoi subsister, et les soumet à des contrôles qui frôlent l'humiliation. Ce livre est l'histoire de Paul Thévenin, un de ces rejetés du système, ancien fondé de pouvoir grassement payé et désormais galérien parmi les galériens. Célibataire qui plus est, car sa femme l'a quitté lorsqu'il n'a plus eu un sou. le récit est un réquisitoire contre la société capitaliste et l'individualisme de tout un chacun. Comme beaucoup de ses amis, Paul a fait la guerre, ce qui le rend encore plus amer car il se demande bien pourquoi il a joué sa vie pour un pays qui le rejette. le discours est plutôt anarchiste, beaucoup ont été tentés par le communisme mais ont compris qu'il ne menait qu'à la dictature.
Il habite désormais dans une pension miteuse, où ne (sur)vivent que des chômeurs, mais où la solidarité n'est pas un vain mot. Tous se serrent les coudes et s'entraident pour affronter les galères du quotidien. Les petites combines qu'ils inventent ne mènent jamais loin, mais leur procurent des petites satisfactions de temps à autre.
C'est le ton du récit qui fait penser à Alphonse Boudard. Parce que les personnages sont des parigots purs et durs et parlent comme tels. Ils font des plans sur la comète auxquels personne ne croit vraiment, aiment s'encanailler et parlent avec la gouaille des titis parisiens, comme chez Boudard.

A un moment du récit, un des personnages déclare qu'une bonne guerre pourrait débarrasser le pays des ouvriers surnuméraires, ce qui choque ses camarades à peine remis du dernier conflit. de plus les personnages du livre rejettent le communisme dont ils ont déjà compris que c'est une autre forme de dictature. Sachant que le livre a été écrit en 1935, et si César Fauxbras avait été un visionnaire ???
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Mais qu'est-ce donc que cette "viande à brûler" ?
N'allez pas imaginer avoir affaire à un roman d'horreur, si je vous précise qu'il s'agit de viande humaine... non, le roman de César Fauxbras est bien ancré dans la réalité, celle du début des années trente, au cours desquelles l'Europe subit les premières répercussions de la crise économique née aux Etats-Unis. Cela se traduit par les premiers phénomènes de chômage de masse, et la multiplication de "bras inutiles", dont il faudrait se débarrasser comme d'un excédent de marchandises, si l'on en croit l'un des protagonistes que l'on a l'occasion de croiser dans ce récit...

Paul Thévenin est l'un de ces inactifs, ayant perdu, à l'instar de plus de 330 000 citoyens français, son emploi. Plaqué par sa femme, et défait de ses dernières économies par un escroc, ce consciencieux comptable, qui bénéficiait jusqu'alors d'un revenu confortable, atteint peu à peu les derniers échelons de la condition sociale. Il relate cette chute, et le cynique engrenage de la pauvreté, dans le journal qui nous est donné à lire.

C'est ainsi dans son quotidien que nous sommes immergés, un quotidien semblable à celui de tant d'autres, devenus ses frères de misère, fait d'humiliations et de précarité : l'entassement dans des chambres minuscules d'hôtel miteux dont les propriétaires s'arrogent tous les droits envers ces déclassés, les queues interminables aux guichets du Service du Chômage, l'amaigrissement, la malnutrition et les maladies conséquentes, mais aussi l'amitié, la solidarité qui unissent ces exclus. On se refile des tuyaux pour manger pas cher, les plus débrouillards font parfois profiter leurs voisins de leurs maigres butins, les plus optimistes partagent leurs rêves insensés, de gagner aux courses ou à la loterie, pour partir, le plus loin possible, vivre au soleil et dans l'oisiveté...

Les épisodes animant le petit monde dont le narrateur fait dorénavant partie, traduisent plus que les difficultés matérielles. La condition de chômeur induit une violence psychologique souvent dévastatrice. Les humiliations, la culpabilité provoquée par le regard que pose la société sur ces individus que l'on considère comme des fainéants vivant aux frais de la communauté, le reniement de leur dignité, en font des parias. Eux-mêmes portent sur leur situation et sur leur propre attitude un regard dur et amer, conscients de leur adhésion à ce système souvent absurde : le peu d'allocation qu'ils perçoivent, en leur permettant tout juste de survivre, étouffe en eux toute velléité de révolte... et lorsque ils finissent par atteindre les derniers stades de la misère, marqués par des renoncements de plus en plus douloureux qui les privent de toute force, de tout espoir, ils préfèrent disparaître, définitivement vaincus...

Le récit est empreint de l'ironie féroce et désespérée que génère l'injustice, mais aussi d'une truculence et d'une énergie qui, sans être salvatrices sur du long terme, introduisent quelques bouffées d'air dans cet univers d'une oppressante tristesse, qu'exhausse le sentiment d'authenticité que suscite la lecture.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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