Méfiez-vous, les femmes les plus silencieuses font le plus de ravages.
Quand on est mal, c'est qu'on est vivant, voilà ce que disent les vieux.
Nous pensons connaître les gens alors que nous ne sommes même pas capables de nous pencher sur notre propre cas. C'est une entreprise qui nécessite une relecture permanente de nos contradictions et un certain courage pour les dépasser.
De toute façon, l'homme ne sait pas se servir de son cerveau. Le monde change vite, de plus en plus vite, et l'Homme continue de se comporter comme les premiers primates. Il veut maîtriser tous les éléments pour se convaincre de sa supériorité. Il continue, malgré son "évolution", de penser bifteck à la vue d'une vache ou building dès qu'il tombe sur un terrain vague. Il ne veut pas se servir de son cerveau et les sauts permanents de la technologie sont un bon alibi pour ne plus penser par lui-même. Bientôt, il lui faudra une application téléphonique pour lui dire comment lacer ses chaussures.
Knut parlait rarement en son nom. Et quand il y arrivait, quand Knut parlait aux autres, c'était pour se parler à lui-même. On ne pouvait pas lui poser de questions personnelles. Lui demander "As-tu bien dormi ?" au petit matin, c'était déjà trop. Ça l'amenait à réfléchir sur son état de fatigue et donc sur les limites de son corps. Ça l'amenait à se pencher sur ses rêves et donc sur ses névroses ou, pire, sur ses cauchemars et donc ses peurs. Pour Knut, les questions amenaient des réponses, les réponses amenaient à chercher la vérité et la vérité finissait toujours dans les larmes.
C'était dur de ne pas être reconnu par son père. De ne pas voir briller ses yeux quand il vous regarde. C'était épuisant de porter de grandes espérances dès le plus jeune âge, de grandir dans l'ombre, d'apprendre la vie sans joie et de marcher sans avoir l'impression d'avancer.
Elle fit rapidement l'inventaire des tâches ménagères : repassage, aspirateur, courses et repas du soir. Toutes ces choses qui font vivre une famille, qui embellissent la maison et qui sont des travaux à part entière, sans la moindre valeur aux yeux du monde. Ces choses nommées "corvées" par ceux qui les refusent parce qu'un fer à repasser ou un balai à chiottes sont forcément des attributs féminins, au même titre que les seins ou le clitoris.
Il s'était résigné à suivre l'actualité comme les épisodes d'une série qui aurait commencé il y a plusieurs milliers d'années. Heureusement qu'il ne savait plus lire, ainsi lui étaient épargnées les atrocités quotidiennes à l'oeuvre dans nos bourgades, qui défilaient dans les bandeaux en bas de l'écran et qui servaient à alimenter la conclusion unanime des pessimistes : "Quel monde de merde !"