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Critique de Kirzy


Caryl Férey est un des auteurs de romans policiers français que j'apprécie le plus pour sa capacité à immerger le lecteur dans une culture, un environnement, une société par le biais d'une enquête criminelle. Après l'Afrique du Sud post-Apartheid ( Zulu ), la Nouvelle-Zélande maori ( Haka ) ou encore la pampa argentine ( Mapuche ), pour ne citer qu'eux, la direction Norilsk, en Sibérie de l'Est.

Une nouvelle fois, c'est du très bon ethno-polar en mode Arctique noir. Avec une particularité significative, un récit de voyage, Norilsk, l'a précédé. L'écrivain baroudeur a posé ses valises dans cette ville pour en dresser une radiographie complexe au gré de ses rencontres.

Avec un matériau initial tellement volumineux, l'enquête en elle-même passe presque au deuxième plan après un incipit très réussi : par moins 64 degrés, une tempête soulève le toit d'un immeuble qui se fracasse au sol, dévoilant le cadavre d'un Nenets ( une ethnie autochtone de l'Arctique vivant de l'élevage de rennes ). L'intrigue polar est très simple, lisible, sans mille rebondissements ou fausses pistes. Peut-être presque trop simple mais du coup, cela laisse la place à une immersion spectaculaire et profonde dans la ville de Norilsk.

Norilsk est un décor formidable pour un polar : c'est la grande ville ( plus de 100.000 habitants ) la plus septentrionale au monde, la plus froide et la plus polluée aussi.Un lieu quasi apocalyptique que cette cité minière aux mains d'oligarques russes, siège d'un ancien goulag, une ville fermée dans laquelle il faut l'autorisation du FSB ( les services secrets russes ) pour y circuler.

Si j'ai trouvé la mise en place un peu laborieuse avec des passages didactiques quelque peu wikipidiesques , j'ai été rapidement happée par l'atmosphère tendue qui est distillée par une écriture sèche et efficace. Surtout, Caryl Férey a choisi de déployer une galerie de personnages incroyablement vivants et attachants, son roman est quasi choral. Je retiens tout particulièrement Boris, le flic bourru agrippé à la vie par son épouse malade, Gleb le mineur-boutefeu qui doit vivre son homosexualité caché ou encore Dasha, la rebelle en quête de vérité familiale.

Et c'est passionnant de les voir évoluer dans cet univers violent, noir et complexe, ancré dans le réel. Caryl Férey est toujours du côté des opprimés et des invisibles, ici pris au piège de la corruption généralisée à Norislk régnant sur cet enfer minier sur fonds de spoliation des peuples autochtones. La profondeur du propos est accentué par le récit de l'époque pré-nickel, quand Norilsk était Norillag, un camp du Goulag qui a connu un soulèvement à la mort de Staline en 1953, durement réprimé avant que les détenus survivants une fois libérés soient contraints de rester à Norilsk, côtoyant leurs anciens bourreaux, piégés par la glace ( Lëd signifie "glace" en russe).

Sans doute le roman le plus bouleversant de l'auteur.
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