Ecrasés militairement lors de la Grande Battue à travers la pampa, tirés comme des lapins à coups de Remington, livrés aux écoles religieuses ou comme esclaves aux estancieros qui s'étaient partagés leurs terres, parqués, acculturés appauvris, réduits au silence, mentant sur leur origine lors des rares recensements, oubliant leur culture, les Mapuche avaient traversé le siècle comme des ombres.
Des fantômes; En rayant vingt-cinq ans de traités signés avec l' Espagne, la Constitution de 1810 avait purement et simplement nié les Mapuche, les "gens de la terre" qui vivaient en nomades ici depuis deux mille ans.
L'icône nationale, Juan Peron, avait reçu une somme considérable en vendant huit mille passeports aux agents de l'Axe alors en fuite.
De nombreux officiers nazis avaient ainsi formé les militaires et les policiers argentins, des brochures circulaient dans les casernes.
Outre des instructeurs, les plus grands criminels de guerre avaient transité par le pays Mengele, Boorman, qu'on disait propriétaire du trésor nazi, Eichmann, dont la maison donnait sur un cimetière juif.
Buenos Aires était née de rien, une terre de broussailles et de boue au bord d'un estuaire ouvert sur l'océan où soufflaient des vents contraires.
C'est ici que les colons avaient construit le port de commerce, la Boca, mâchoires fermées sur le continent amérindien.
La Boca colorée par le sang des vaches qu'on y égorgeait jusqu'à ce qu'il inonde les trottoirs, celui des filles qui croyaient migrer d'Europe vers un nouvel eldorado ou qu'on enlevait sous de fausses promesses de mariage avant de les envoyer à l'abattoir, soixante clients par jour sept jours sur sept, dans les bordels à marins _ un autre siècle.
Elena luttait parce qu'un pays sans vérité était un pays sans mémoire.
La vérité est comme de l'huile dans l'eau : elle finit toujours par remonter.