Citations sur Mapuche (218)
Elles étaient devenues amies et l’étaient restées, tant par esprit de fidélité que d’aversion pour la brutalité du monde, ce grand débile.
Paula frissonna sur sa chaise. Les murs du commissariat suintaient la violence, l’arbitraire et les coups. Jana retenait son souffle, les yeux brûlant de haine. Il n’y avait pas que Jorge, le gérant du Transformer, pour les flics aussi elle ne serait jamais qu’une suceuse de bites, une sous-humaine ou impropre à l’espèce qu’on s’envoyait dans les voitures, une bâtarde grandie dans la poussière et jetée à la ville comme en prison, une Indienne qui pissait le sang des siens : rien.
Rien qu’une pute…
Elle prit la main glacée de Paula.
— Rajemos3 !
Le président Alfonsín avait bien coupé quelques têtes trop voyantes à la fin de la dictature mais, Menem fermant les yeux sur tout ce qui ne concernait pas l’argent, la plupart des policiers avaient gardé leur poste et évoluaient toujours en quasi-impunité.
De promotions pour bons et loyaux services en mutations, Fabio Andretti avait intégré la brigade de nuit de La Boca, Buenos Aires, où son grade de sergent le dispensait de rendre des comptes, sinon au commissaire qui, entre deux discours officiels évoquant les nouvelles directives que personne ne suivrait, passait de temps en temps ramasser les enveloppes. Une pratique courante, qui ne datait pas d’hier.
De commissariats miteux en postes déglingués, il avait fait plus d’une fois le coup de poing avec les officiers et leurs subalternes qui arrondissaient leurs étrennes en délestant les baltringues du quartier, voleurs ou trafiquants qui ne risquaient pas de porter plainte.
Chef de l’équipe de nuit, Fabio Andretti avait commencé sa carrière comme garçon boucher à Colalao del Valle, un village du Tucumán, lorsqu’un ami de son oncle lui avait proposé d’entrer dans la police, où il « connaissait des gens ». Fabio avait accepté et très vite compris les intérêts à tirer de ce travail.
Huit cent mille morts : non, les chrétiens n’avaient pas fait de quartier.
C’est ce qui les unissait…
Les chrétiens les avaient dépossédés de leurs terres, mais les esprits-ancêtres lui couraient comme des fourmis rouges dans le sang. Poudre de béton sur corps tendu : la Mapuche abattit son arme encore une fois et, l’œil vissé sur l’impact, constata les dégâts. Une vraie boucherie.
Cartographie d’un génocide :
Charrúa.
Ona.
Yamana.
Selk’nam.
Arracan.
les chrétiens n’avaient pas fait de quartier. Elle non plus : la masse s’écrasa sur le territoire ranquele, déjà bien amoché, expulsant des fusées de pierre vers ses yeux. Son short noir était trempé, la sueur lui coulait sur les cuisses, les tempes, le cou, ses seins morts, les muscles bandés vers l’objectif : le monde, une peau de béton qu’elle massacrait avec une joie salvatrice.