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Critique de sylviedoc


L'appétit ouvert par "May et Chance", j'ai poursuivi ma découverte de l'oeuvre de Jim Fergus par ce livre que l'on pourrait qualifier de biographie familiale romancée, à défaut de trouver un terme plus adéquat. Je précise que j'ai lu la première édition, celle de 2011, ma médiathèque ne possédant pas celle, remaniée, de 2021. Si j'ai bien compris, la présentation n'est pas la même : ici le journal de Marie-Blanche (mère de l'auteur) est intercalé entre la narration de la vie de Renée (mère de Marie-Blanche et donc grand-mère de Jim Fergus). Dans la nouvelle édition il y aurait deux parties successives, et certains ajouts.

En prologue, l'auteur rend visite à sa grand-mère Renée en 1995, dans l'Illinois où celle-ci réside. Très âgée et atteinte de la maladie d'Alzheimer, elle ne réagit quasiment plus, ce qui n'empêche pas Jim de régler quelques comptes avec celle qui ne l'a jamais aimé, imaginant les réponses qu'elle lui aurait sans doute faites. Et on se rend compte en lisant la suite que ces réponses correspondent bien au caractère profondément égocentrique et perturbé de cette femme dont la vie n'a pas été un long fleuve tranquille...

Dès sa naissance, Renée vit sous le signe du mensonge : son père l'a eu d'une de ses nombreuses maîtresses, une danseuse à laquelle il avait "commandé" un fils. Las, c'est une fille qu'elle mettra au monde, mais comme Henriette Fontarce avait simulé une grossesse en accord avec son mari Maurice (entre autre pour éviter le "devoir conjugal" avec cet époux qu'elle n'aime pas), il faut bien s'accommoder de cette gamine... Entre ces parents qui ne se tolèrent que pour satisfaire aux convenances mais vivent chacun leur vie, Renée grandit comme elle peut, aimée par son père mais négligée par sa mère qui préfère batifoler avec l'oncle Gabriel. Ce qu'elle ignore, c'est que Renée est régulièrement témoin de leurs ébats, et va finir par développer un amour obsessionnel et malsain pour cet oncle au point de se promettre de le voler à sa mère. Et bien sûr, elle va arriver à ses fins, à l'âge où les gamines devraient encore jouer avec leurs amies et pouffer en regardant les garçons de loin. Et pour mieux assurer son emprise sur sa nièce, le bon tonton va dans un premier temps l'adopter (ou plutôt l'acheter à ses parents en échange du paiement de leurs dettes), et prétendra l'épouser un peu plus tard en Egypte. C'est là qu'il va emmener toute la famille, y possédant des plantations de coton et de canne à sucre fort lucratives. Ce sera l'occasion pour le lecteur de découvrir le contexte colonial dans ce pays juste avant la première guerre mondiale. L'histoire de Renée se poursuit entre la France et l'Egypte, de son adolescence à ses trois mariages, d'une guerre à la suivante. En 1920 elle donnera naissance à Marie-Blanche, et quinze mois plus tard à son frère surnommé Toto. Elle les confiera à une nourrice, Louise, et finira par quitter le domicile conjugal pour retrouver Pierre Fleurieu, un ancien amoureux qui deviendra son second mari.

On suit donc parallèlement l'histoire de sa fille Marie-Blanche à travers son journal. Une enfance plutôt heureuse entre le Prieuré, résidence de son père en Bourgogne, et un château en Dordogne, (le château de Marzac, que j'ai visité il y a deux ans, je résidais juste à côté dans un gîte !) propriété de "l'oncle Pierre", second époux de Renée. Celle-ci a fini par renouer le contact avec ses enfants, mais ne cesse de dénigrer cette fille qui ressemble trop à son père, et qu'elle trouve laide et bête. Difficile de se construire avec cette image qu'on lui renvoie sans cesse ! Heureusement son père et son beau-père sont plus indulgents envers elle et la laissent relativement libre de vivre sa vie dans leurs propriétés respectives. Marie-Blanche poursuit ses études à Paris, en pension, puis à Londres quand sa mère divorce de Pierre et se remarie avec un riche américain propriétaire de la Héronnière, dans le Hampshire. Entretemps le fameux Gabriel est réapparu dans la vie de la famille...
Toute sa jeunesse, Marie-Blanche a été ballottée d'un endroit à l'autre au gré de la vie aventureuse de sa mère. Elle finira par céder aux sirènes de l'alcool (on l'apprend dès les premières pages, puisqu'elle relit son journal depuis un luxueux centre de désintoxication en Suisse) et aura trois enfants avec son mari William Fergus. Jim étant le troisième, conçu pour "remplacer" Billy, l'aîné tragiquement décédé à 8 ans.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, je n'ai pas dévoilé grand-chose de cette histoire foisonnante (environ 600 pages quand même), à peine quelques points de repère. Elle se déroule sur plus de six décennies, on voyage sur trois continents et on traverse deux guerres. Et on croise une multitude de personnages dont une grande partie font partie de la famille de l'auteur. Certes, c'est romancé, mais je pense que les grandes lignes sont authentiques, en tout cas elles m'ont semblé plausibles. J'espère quand même que le fameux oncle Gabriel n'était pas aussi pervers et incestueux en réalité, parce qu'il est vraiment dépeint comme un être foncièrement nuisible. Certaines scènes ont été vraiment pénibles pour moi, mais le contexte de l'époque était tel que ce genre de comportement était courant, mais passé sous silence pour préserver une réputation, ou des intérêts financiers comme ici. le contexte historique est assez bien replacé, j'ai d'ailleurs appris pas mal de choses sur la colonisation de l'Egypte.

Par contre je n'ai pas été emportée comme dans la saga "Mille femmes blanches", il m'a manqué ce souffle épique qui m'avait transportée sur quatre volumes. Ici, peu de place pour l'imagination, on passe d'un domaine à l'autre, d'un mari au suivant, d'une turpitude à une trahison, c'est un peu lassant à la longue. La version réécrite a peut-être corrigé certains défauts, si je la trouve d'ici quelques années, je retenterai pour comparer.
En conclusion, une lecture intéressante quoiqu'un peu longue, mais que j'oublierai sans doute assez rapidement parce que je n'ai pas réussi à m'attacher à ces deux femmes, le courant n'est pas passé entre nous !

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