Citations sur Le premier homme (BD) (72)
- Je crois, durant toute ma carrière, avoir respecté ce qu'il y a de plus sacré dans l'enfant : chercher sa vérité.
Je vous ai tous aimés et je crois avoir fait tout mon possible pour ne pas manifester mes idées et peser sur votre jeune intelligence.
Tout au long des arcades, les boutiques de commerçants se succédaient, marchands de tissus en gros dont les façades étaient peintes de tons sombres et dont les piles de tissu clair reluisaient doucement dans l'ombre, épiceries qui sentaient le girofle et le café, petites échoppes où les marchands arabes vendaient des pâtisseries ruisselantes d'huile et de miel, cafés obscurs et profonds où les percolateurs fusaient à cette heure-là (tandis que le soir, éclairés de lampes crues, ils étaient remplis de bruit et de voix, tout un peuple d'homme piétinant la sciure répandue sur le parquet et se pressant devant le comptoir chargé de verres remplis de liquide opalescent et de petites soucoupes pleines de lupins, d'anchois, de céleris coupés en morceaux, d'olives, de frites et de cacahuètes) (...)
On n'avait pas eu le temps de leur trouver des casques, le soleil n'était pas assez fort pour tuer les couleurs, comme en Algérie.
Si bien que les vagues d'Algériens arabes et français, vêtus de tons éclatants et pimpants, coiffés de chapeaux de paille, cibles rouges et bleues qu'on pouvait apercevoir à des centaines de mètres montaient au feu, étaient détruits par paquets.
Et commençaient d'engraisser un territoire étroit sur lequel pendant quatre ans des hommes venus du monde entier, tapis dans des tanières de boue, s'accrocheraient mètre par mètre sous un ciel hérissé d'obus éclairants, d'obus miaulant pendant que tonitruaient les grands barrages qui annonçaient les vains assauts.
Mais pour le moment, il n'y avait pas de tanière, seulement les troupes d'Afrique qui fondaient sous le feu comme des poupées de cire multicolores et chaque jour des centaines d'orphelins naissaient dans tous les coins d'Algérie, arabes et français, fils et filles sans pères qui devraient ensuite apprendre à vivre sans leçon et sans héritage...
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La mémoire des pauvres, déjà est moins nourrie que celle des riches, elle a moins de repères dans l'espace puisqu'ils quittent rarement le lieu où ils vivent, moins de repères aussi dans le temps d'une vie uniforme et grise.
Dans cette obscurité en lui prenait naissance cette ardeur affamée, cette folie de vivre qui l'avait toujours habité rendant simplement plus amer le sentiment soudain terrible que le temps de la jeunesse s'enfuyait, telle cette femme qu'il avait aimée. Ah oui, il l'avait aimée dun grand amour, de tout le cour, le corps aussi. Oui, le désir était royal avec elle, et le monde quand il se retirait d'elle avec un grand cri muet au moment de la jouissance, retrouvait son ordre brûlant. Et, il l'avait aimée à cause de sa beauté et de cette folie de vivre généreuse et désespérée, qui était la sienne et qui lui faisait refuser, refuser que le temps puisse passer.
- Pour eux, dans certaines circonstances, un homme doit tout se permettre!!!
- Non ! Un homme ça s'empêche !
Voilà ce qu'est un homme, ou sinon...
Moi, je suis pauvre, je sors de l'orphelinat, on me met cet habit, on me traîne à la guerre...Mais je m'empêche !!!
- Il y a des Français qui ne s'empêchent pas !
- Alors, eux, ce ne sont pas des hommes !
(Préface d'Alice Kaplan concernant la BD)
Les couleurs sont parfois celles de l’eau et du soleil, bleu et jaune , ou sépia, telle la photo du père retrouvée dans un tiroir.
Il y a la mémoire du coeur dont on dit qu'elle est la plus sûre...
- Bien sûr, mais le coeur s'use à la peine et au travail. Il oublie plus vite sous le poids de la fatigue.
La guerre était là comme un vilain nuage, gros de menaces obscures mais qu'on ne pouvait empêcher d'envahir le ciel, pas plus qu'on ne pouvait empêcher l'arrivée des sauterelles ou les orages dévastateurs qui fondaient sur les plateaux algériens.
L'école ne nous fournissait pas seulement une évasion à la vie de famille. Dans votre classe, du moins, elle nourrissait en nous une faim plus essentielle encore à l'enfant qu'à l'homme et qui est la faim de la découverte... Dans votre classe, pour la première fois, on se sentait exister et nous étions l'objet de la plus haute considération: on nous jugeait dignes de découvrir le monde.