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Critique de JustAWord


Rayon « auteurs français injustement méconnus », prenons cette fois le cas de l'écrivain Franck Ferric. Auteur de cinq romans dont le Chant Mortel du Soleil chez Albin Michel Imaginaire et Trois oboles pour Charon chez Denoël Lunes D'encre, c'est cette fois à l'occasion de la ressortie en intégrale de deux de ces récits parus chez les défuntes éditions du Riez que nous avons l'occasion d'attirer (de nouveau) l'attention sur la plume talentueuse de l'auteur.
Dans cette intégrale publiée aux éditions Critic, le lecteur trouvera La Loi du Désert le tout premier roman de Franck Ferric dans une version revue et augmentée, initialement publié en 2009. L'occasion rêvée d'explorer encore un peu plus l'univers du français.

La Loi du désert nous emmène dans un univers post-apocalyptique qui rappelle vaguement Mad Max par son côté aride et violent. Mais la comparaison s'arrête là puisque Franck Ferric n'a pas l'intention de nous convier à des courses-poursuites boostées aux stéroïdes mais plutôt de s'attarder sur le destin de deux personnages en quête d'eux-mêmes : Mathian et Raul.
Deux frères séparés par l'existence et, surtout, par la guerre. Dans l'univers imaginé par Frank Ferric pour l'occasion, les conflits successifs ont fini de détruire la civilisation telle qu'on la connaît pour n'en laisser que des sociétés prises entre despotisme et république. La différence n'est d'ailleurs pas bien évidente puisque l'aventure démarre à Salina, l'une des dernières grandes villes du désert et dont le titre de République a quelque chose de plus symbolique qu'autre chose. Il faut dire que l'existence dans le reg est loin d'être une sinécure. Entre la guerre contre les « blafards », sorte d'humanoïdes brutaux et belliqueux qui ont surgi des entrailles de la terre, et l'opposition avec Odesse et ses ambitions expansionnistes, sans parler même de l'avancée implacable du désert, Salina impose une législation proche de la dictature où le citoyen doit avant tout respecter l'ordre établi.
Un ordre que Raul a bien du mal à respecter, embobiné par les beaux discours révolutionnaires de Quico et qui l'amène à commettre l'irréparable en incendiant une imprimerie. le jugement tombe rapidement : Raul est condamné à l'Exil dans le sud lointain.
Plus au Nord, son grand frère, Mathian, combat au sein de l'Armée de Salina pour repousser les blafards. Lorsqu'il apprend la nouvelle, il demande à Blaine, le vieux mécano du camp, de l'aider à sauver la peau de Raul. Commence alors une course contre la montre pour retrouver le jeune rebelle.
La Loi du désert installe très rapidement, peut-être trop d'ailleurs, un univers passionnant où Franck Ferric pose un cadre autoritaire dans lequel les hommes sont broyés par leur propre système politique mais aussi, et surtout, par la cruauté des éléments et la violence du désert. le français, enthousiaste, ébauche tout un monde complexe avec une géopolitique à peine effleurée et des cités-états qui tentent de survivre malgré tout, confrontées à un environnement hostile et à un adversaire qu'ils ne comprennent pas.

Dans ce récit où tout semble tendre vers une action furieuse et débridée, Franck Ferric prend son lecteur à contre-pied et creuse ses deux personnages principaux, leur donne une profondeur inattendue et s'interroge sur la notion de liberté et de rébellion. Bien vite, Blaine, Mathian et Raul deviennent chacun à leur façon des rebelles, l'un pour acte terroriste envers un système oppressif et totalitaire, les deux autres en désertant leur poste ou leur occupation. Tous trois représentent une génération différente, de Raul et sa jeunesse impétueuse et pleines d'idéaux ardents à Blaine, bouffé par le regret et lassé des autres, Franck Ferric nous montre l'impact de l'existence sur la nature même de la personne. L'injustice, la douleur, la perte…tout concourt à modeler les hommes et à faire chuter les mirages.
Roman désenchanté en apparence, La Loi du désert profite de la plume remarquable de l'auteur français pour décrire un univers désertique traversé de fulgurances particulièrement marquantes. Des affrontements sauvages entre humains et blafards à la ville de la Lanterne en passant par la cité-État de Salina, l'écrivain construit un univers qui marque la rétine et qui pourrait, en théorie, offrir de multiples possibilités pour d'autres histoires, d'autres aventures.

Au-delà de la recherche d'un frère et des épreuves que vont traverser les personnages, La Loi du désert nous fait rencontrer l'autre, l'ennemi désigné qui paraît hideux et sauvage : le blafard. En quelque sorte, Franck Ferric transpose le mythe de l'indien et du cowboy pour en tirer une version post-apocalyptique où le mal viendrait d'en dessous (Gears of War et Jules Verne apprécieront). le « blafard » offre pourtant un autre point de vue sur le destin des hommes et montre, s'il en était besoin, que tous les conflits ont deux visages selon la personne à laquelle on s'adresse. Dès lors, l'ennemi mortel devient simplement un être différent mais doué d'émotions et chargé d'une histoire qu'il lui est propre. C'est cette dernière notion qui finira par passionner et agripper Franck Ferric (et que l'on retrouvera bien plus maîtrisée dans le Chant Mortel du Soleil).
La Loi du désert choisit l'épreuve et la traversée terrible des dunes infinies pour s'interroger sur le caractère fugace de l'être vivant, sur la quête finale qui donne un sens à tout le reste et qui, à l'arrivée, motive tous les êtres pensants : s'inscrire dans le temps. Car si les hommes meurent, les histoires restent et les écrits, comme un phare dressé dans le désert, témoignent qu'un jour, nous avons bel et bien existé, souffert, aimé, vécu.
Évidemment, on sent dans La Loi du désert l'enthousiasme fébrile du jeune écrivain qui veut en dire tellement qu'il ne fait souvent qu'effleurer son sujet, passant d'un discours sur la nécessité de la révolte à la question de la mémoire dans une quête frénétique parsemée de pueblos en ruines. Mais qu'à cela ne tienne, Franck Ferric livre ici un premier roman efficace, addictif et qui va bien au-delà de son postulat post-apocalyptique pour saisir l'intime et l'émouvant de ses personnages.

Premier roman passionnant à la plume déjà précise et affirmée, La Loi du Désert mélange un univers post-apocalyptique impitoyable à des enjeux à taille humaine qui résonnent à travers les dunes. Un divertissement qui va (bien) plus loin que son postulat de départ et qui impose, déjà, Franck Ferric comme un auteur fascinant au sein de l'imaginaire français.
Lien : https://justaword.fr/la-loi-..
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