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Critique de svecs


svecs
21 septembre 2018
Le premier volume de "Moi, ce que j'aime, c'est les monstres" d'Emil Ferris est probablement l'un des livres les plus singuliers que j'ai lu depuis longtemps. Il s'agit aussi de l'une des bandes dessinées les impressionnantes que j'ai lu depuis longtemps. le fait que l'excellent éditeur "Monsieur Toussaint Louverture" ait payé le prix fort pour s'assurer l'édition française en dit long sur la confiance qu'il a en sa qualité. On peut malgré tout se demander pourquoi une bande dessinée qui arrivée précédée d'une telle réputation (et multi-récompensée) n'a pas trouvé sa place chez l'un des nombreux éditeurs spécialisés. Pour mémoire, il s'agira de la troisième bande desinée éditée par MTL (après Alcoolique et du Sang sur les mains de Matt Kindt). Ont-ils été rebutés par le travail d'adaptation ou de traduction ? A moins que nous ne nous retrouvent face à une situation similaire à celle de Maus, qui échoua chez Gallimard, faute d'intérêt de Casterman (qu'on aura pû croire l'éditeur "naturel" pour ce genre de livre) et consort, échaudés par la singularité du travail d'Art Speigelman.
La singularité est en effet le maître-mot lorsqu'il s'agit de définir le travail d'Emil Ferris. Non que le livre soit hermétique ou difficile d'accès. Il est très accessible, loin des envolées ésotériques d'Alan Moore ou de l'inventivité formelle d'un Chris Ware. L'histoire est fondamentalement assez simple. Il s'agit d'une récit initiatique dans lequel une petite fille, Karen Reyes, tente de comprendre les causes de la mort de sa voisine, Anka Silverberg. de là, Emil Ferris prend un malin plaisir à multiplier les effets de miroirs. Karen est une petite fille qui dissimule son mal-être derrière une passion pour les films des monstres. Elle rêve de se faire mordre par un monstre pour rejoindre la horde des non-morts, et fuir la réalité. En regard, la réalité, même vue à travers ses yeux d'enfants, paraît plus que monstrueuse. Emil Ferris joue aussi beaucoup de l'alternance entre des couvertures imaginaires de bandes dessinées d'horreur de type EC Comics et de toiles classiques, qui dissimulent de manière plus subtile un effroi au moins aussi grand que celui des spectres, goules... qui hantent les comics.
La singularité s'exprime surtout par la forme, le livre se présentant comme une sorte de journal intime rempli de manière parfois anarchique, mais toujours parfaitement lisible. Il s'agit en effet du journal tenu par Karen, mélant textes et dessins. Poussant le soucis du détail jusqu'au bout, le papier ligné sur lequel est réalisé le livre, incluant même les trous de perforation. Cela peut semble gratuit mais ces "coquetteries" ajoutent un supplément d'âme à ce livre hors-norme, surpenant mélange de candeur enfantine et de cynisme adulte, utilisant l'imagerie des monstres de pulp pour contrebalancer la monstruosité bien réelle des hommes. J'ose parler de chef d'oeuvre.
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