Hier, à huit heures et demie, nous étions rendus, M. George, M. de Breuilly et moi, dans un chemin écarté, situé à égale distance de Malouet et de Mauterne, et qui avait été désigné pour lieu du duel. Notre adversaire arriva presque aussitôt, accompagné de MM. de Quiroy et Astley. Le caractère de l’insulte n’admettait aucune tentative de conciliation. On dut procéder immédiatement au combat.
Heureux, Paul, l’homme qui sait dire : non ! Seul il est vraiment maître de son temps, de sa fortune et de son honneur. Il faut savoir dire : non ! même à un pauvre, même à une femme, même à un vieillard aimable, sous peine de livrer à l’aventure sa charité, sa dignité et son indépendance. Faute d’un non viril, que de misères, que de chutes, que de crimes, depuis Adam !
Tandis que je pesais à part moi l’invitation qui m’était adressée, ces réflexions m’assaillirent en foule ; j’en reconnus la profonde sagesse, - et je dis : oui.
Je ne sais depuis combien de temps je dormais, quand j’ai été réveillé tout à coup par un certain ébranlement du sol dans mon voisinage immédiat : je me suis levé brusquement, et j’ai vu à quatre pas de moi, dans l’avenue, une jeune femme à cheval. Mon apparition subite a un peu effrayé le cheval, qui a fait un écart. La jeune femme, qui ne m’avait pas encore aperçu, le ramenait en lui parlant. Elle m’a paru jolie, mince, élégante. J’ai entrevu rapidement des cheveux blonds, des sourcils d’une nuance plus foncée, un œil vif, un air de hardiesse, et un feutre à panache bleu campé sur l’oreille avec trop de crânerie.