Celui que la notoriété a désigné sous le sobriquet de "Musset des familles" livre ici un roman plaisant qui répond à tous les codes du courant romantique dont Lamartine et le susnommé Musset furent les chefs de file.
George, le narrateur, décrit par lettres à son frère Paul sa rencontre avec Mathilde de Palme, une jeune veuve qu'il juge d'abord sévèrement et taxe de frivolité - voire de sottise - avant d'assouplir son jugement au contact de ses charmes et des sentiments qu'elle lui laisse entrevoir.
Dans un style très simple, loin du langage parfois ampoulé de ses contemporains, Octave Feuillet offre au lecteur une romance tout en nuances et qui fait la part belle à la noblesse d'une passion sincère en butte aux apparences et aux préjugés, et traînant le drame dans son sillage.
Le rythme très enlevé du récit, le recours au genre épistolaire et l'humour de certaines scènes font de "La petite comtesse" un plaisant témoignage de la littérature sentimentale du XIXème siècle. Il est seulement regrettable que son auteur soit si méconnu de nos jours, lui dont le talent nous a légué près d'une cinquantaine d'oeuvres.
Challenge XIXème siècle 2017
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Hier, à huit heures et demie, nous étions rendus, M. George, M. de Breuilly et moi, dans un chemin écarté, situé à égale distance de Malouet et de Mauterne, et qui avait été désigné pour lieu du duel. Notre adversaire arriva presque aussitôt, accompagné de MM. de Quiroy et Astley. Le caractère de l’insulte n’admettait aucune tentative de conciliation. On dut procéder immédiatement au combat.
Je ne sais depuis combien de temps je dormais, quand j’ai été réveillé tout à coup par un certain ébranlement du sol dans mon voisinage immédiat : je me suis levé brusquement, et j’ai vu à quatre pas de moi, dans l’avenue, une jeune femme à cheval. Mon apparition subite a un peu effrayé le cheval, qui a fait un écart. La jeune femme, qui ne m’avait pas encore aperçu, le ramenait en lui parlant. Elle m’a paru jolie, mince, élégante. J’ai entrevu rapidement des cheveux blonds, des sourcils d’une nuance plus foncée, un œil vif, un air de hardiesse, et un feutre à panache bleu campé sur l’oreille avec trop de crânerie.
Heureux, Paul, l’homme qui sait dire : non ! Seul il est vraiment maître de son temps, de sa fortune et de son honneur. Il faut savoir dire : non ! même à un pauvre, même à une femme, même à un vieillard aimable, sous peine de livrer à l’aventure sa charité, sa dignité et son indépendance. Faute d’un non viril, que de misères, que de chutes, que de crimes, depuis Adam !
Tandis que je pesais à part moi l’invitation qui m’était adressée, ces réflexions m’assaillirent en foule ; j’en reconnus la profonde sagesse, - et je dis : oui.