Et le lévrier noir, qui tenait dans sa gueule la bride du cheval ! C’était cela un chien !
Frère Bruno se disait, le matois : "En l'an cinquante, le lévrier de messire Aubry, qui est plus avisé que bien des chrétiens, etc...etc"
Une histoire de plus, enfin, dans le grenier d'abondance de sa mémoire !
Elle jeta un coup d’œil sur Méloir qui enfonçait à vue d’œil.
- Je ne peux pas le sauver, murmura-t-elle.
Et sa belle main blanche s'appuya sur le sable pour aider le mouvement de son corps. Mais une main, une main de fer, se referma sur sa belle main blanche.
Méloir avait aux lèvres un sourire sinistre. Il dit :
- Ceci est notre couche nuptiale, Reine de Maurever. J'avais juré que tu serais ma femme.
Reine poussa un cri d'horreur.
Faut pas mentir ! le Français dit au Normand :
– Combien as-tu dans ton sac, mon compagnon ?
– Cent sols de la monnaie de Rouen et trois ducats de Flandre, répondit le Normand.
– Veux-tu les jouer aux dés en quinze passes contre cent sols parisis et trois anneaux de ma chaîne d’or ?
Le Normand ferma son escarcelle et la mit sous son oreiller.
– Tu ne veux pas ? repris l’enragé Français ; eh bien ! buvons-les s’il ne te plaît pas de les jouer.
– Mes chers compagnons, interrompit ici le Breton, je vous prie de me laisser dire mes oraisons... Passe-moi l’écuelle, Mathurin !
Ce n’était autour du cercle, que bouches béantes et regards curieux.
Simon Le Priol but un large coup et poursuivit :
– Nous n’y sommes pas, mes bonnes gens ! Oh ! mais non ! Vous allez voir bientôt ce que fit la Fée des Grèves. Attention !
C’était de la gaieté, mais de la gaieté bretonne, qui donne aux noces même une bonne couleur d’enterrement. (p. 158, Chapitre 24, “Dits et gestes de frère Bruno”).
Son nom lui-même (le Mont-Saint-Michel au péril de la mer) en dit plus qu'une longue dissertation.
p 9
Quand Reine et Aubry furent en selle, ce fut un long cri de joie.
Jeannin trépignait et la fièvre le prenait, car un ennemi restait à combattre : la mer.
- Oh, disait-il, comme si Aubry eût pu l'entendre, à droite, messire, à droite, au nom de Dieu ! Devant vous est le fond de Courtil. Saint Jésus ! Le chien a deviné ! Ils tournent à droite !
- Allons, vous autres, reprenait-il en s'adressant à l'assistance, un Avé, vite, vite, pour qu'ils passent les lises du Haut-Mené. Mais vous n'aurez pas le temps... Oh ! Le brave chien ! Il les conduit tout droit, comme s'il avait pêché des coques toute sa vie dans les tangues. Tenez ! Tenez ! Les voilà qui sortent du flot... s'ils peuvent tourner la mare d'Anguil, tout est dit... Bonne Vierge ! Bonne Vierge ! Le flot les reprend ! Mais piquez donc, messire Aubry ; de l'éperon ! De l'éperon !
Il essuya la sueur de son front.
- Eh bien, enfant ? murmura Maurever qui ne respirait plus.
Jeannin fut une seconde avant de répondre.
Puis il quitta la lunette et se prit à cabrioler comme un fou sur la plate-forme.
- La mare est tournée, dit-il. Oh ! Le brave chien ! Maintenant, vous pouvez bien aller à l'église remercier le bon Dieu !
Une demi-heure après, Reine était sur le sein de son père.
Petit Jeannin embrassa Maître Loys d'importance et lui jura une éternelle amitié.
On suivait du regard la course d'Aubry. Arriverait-il à temps ? Jeannin se demandait :
- Mais pourquoi le chevalier et la demoiselle restent-ils immobiles, si près de la mer qui monte ?
Il prit le tube à son tour et devint plus pâle qu'un mort.
- Ils sont enlisés, balbutia-t-il ; le chevalier a du sable jusqu'à la ceinture et demoiselle Reine disparaît... disparaît...
La cloche du monastère tinta le glas. Une voix tomba des galeries supérieures. Cette voix disait :
- Il y a deux malheureux en détresse dans les tangues. Priez pour ceux qui vont mourir !
Au nord-ouest, la grande ligne bleue avançait, étincelante, sous les rayons du soleil.
Le cheval d'Aubry dévorait les sables, précédé toujours par Maître Loys, le grand lévrier noir.
Qui de la mer ou du cavalier, de la mort ou de la vie, allait arriver le premier ?
La gaieté se dégage de tout effort moral comme la chaleur de tout effort physique (p. 73).
Nantes était alors la capitale de ce rude et vaillant pays qui gardait son indépendance entre deux empires ennemis : la France et l’Angleterre. (p. 230, Epilogue, “Le repentir”).