Une mort parfaite

- Ai-je votre permission pour au moins continuer à manquer de respect envers le commandant Callanach, madame ? Autrement, sans ça, quel intérêt y a-t-il à s'obstiner à bosser à la Crim ?

La douleur de ses parents s'était transformée en une dépression glacée. S'il était possible aux êtres humains de devenir une saison, ils étaient l'hiver.

- Je demanderais bien ce qui se cache derrière cette histoire, mais à ton expression, je vois que ça serait comme interroger la reine sur les performances sexuelles du prince Philip.

Elle détestait la rudesse, en particulier celle qui trouve ses racines dans la supériorité hiérarchique. Si Begbie lui avait appris quelque chose durant toutes ces années où il avait été son chef, c’était qu’on se doit de se montrer aimable et d’écouter les autres, et cela d’autant plus qu’on prend des galons. Elle contint ses émotions.

Il  avait passé quinze mois à s’approprier les lieux depuis qu’il avait commencé à travailler au sein de la police écossaise. En tout, deux ans s’étaient écoulés depuis sa suspension d’Interpol, quand une collègue avait lancé l’accusation de viol qui avait stoppé net sa carrière. Quelques amis lui étaient restés fidèles, des collègues encore moins nombreux, mais le plus douloureux avait été d’être abandonné par sa mère. Pourtant, il l’aimait encore. C’est la raison pour laquelle il était hors de question qu’il la laisse revenir dans sa vie. Surmonter la peine qu’elle lui avait causée était suffisamment dur.

Il la berçait avec douceur tandis qu’elle pleurait, la maintenant en sécurité, le visage appuyé sur le haut du crâne de la jeune fille, luttant contre ses propres émotions. Mina était si fragile ! Et elle tentait d’encaisser un coup insupportable. Les minutes passèrent. Les sanglots de Mina se calmèrent, remplacés par des spasmes. Plus elle essayait de les contenir, plus son corps tremblait.

. J’ai perdu ma mère. Quand j’ai appris qu’elle était mourante, il était trop tard pour rattraper les années où j’avais été trop occupée, trop centrée sur moi-même pour passer du temps avec elle. Je n’ai jamais eu l’opportunité de lui faire part de tous ces petits ressentis dont s’accompagne le fait de grandir. Je ne tiens pas à ce que tu commettes la même erreur, conclut-elle.

J’ai été accusé d’un viol que je n’ai pas commis. J’étais dévasté. Je n’étais même pas sûr d’avoir la force d’affronter le procès. Ma mère était la seule personne qui aurait dû savoir, sans la moindre équivoque, que je n’avais pas agi ainsi, que rien en moi n’était si monstrueux. Quand elle est partie alors que j’étais accaparé par la préparation du procès, j’en suis arrivé à douter de moi-même. Parfois, je pensais que peut-être j’avais violé Astrid et juste inventé une autre réalité dans mon esprit. Comment aurais-je pu être innocent quand ma propre mère ne supportait pas de rester avec moi et de me soutenir ?

Ce qui compte le plus pour moi est de travailler avec des gens qui ont une attitude positive et le désir de faire le bien. Pourquoi ne viendriez-vous pas la semaine prochaine, passer quelques heures pour mieux comprendre nos actions et où vous auriez votre place ? Et si nous sommes satisfaits de part et d’autre, on rendra les choses plus régulières ?

Mon père travaillait dans la finance. On m’a envoyée dans une école correcte, j’ai passé mes vacances à l’étranger, ai poursuivi mes études universitaires sans m’endetter. Une fois diplômée, j’ai navigué dans le monde de l’entreprise, permettant à des gens qui en avaient déjà suffisamment de gagner un tas d’argent supplémentaire. Je suppose que j’en ai eu assez et ai souhaité trouver quelque chose qui ait plus de sens, et me voilà. Agir pour améliorer les vies des gens vivant en Afrique m’a donné l’impression de résoudre la quadrature du cercle.