Une mort parfaite

Ces temps-ci, elle avait l’impression que « non » était devenu sa réponse par défaut. Pouvaient-ils se permettre de consulter un autre expert sur une certaine affaire ? Non. Est-ce que la brigade criminelle disposerait de quelques hommes supplémentaires pour donner un coup de main sur une enquête ? Non. Serait-il possible de tester un nouveau logiciel permettant de filtrer les images des caméras de surveillance ?

La fille avait péri dans ces températures glaciales, son dernier souffle formant une fine volute dans l’air. Ce n’était pas une manière de partir. Une fin amère, désolée et solitaire. Il ne lui restait qu’à espérer qu’elle n’avait pas eu conscience de ce qui s’annonçait.

Dans le passé, il avait dû batailler pour identifier des victimes idéales, et voilà que trois candidats s’étaient présentés simultanément. Il rit. Et son rire avait le son d’un starter explosant dans l’air comme un pétard. Un bruit cruel, mais il n’était pas un homme cruel. Pas quand ça ne s’imposait pas. Seulement quand c’était absolument nécessaire.

Tuer n’est pas un boulot facile. Ceux qui s’imaginent qu’un être vivant périt en quelques secondes, comme dans les séries policières, sont des idiots. La mort, plus souvent qu’à son tour, est un lent spectacle de strip-tease. Il existe des moyens pour que cela soit rapide – coups de feu, explosion, traumatisme crânien massif –, mais si on décide de ne pas y recourir, ça prend inévitablement plus longtemps. L’étouffement et la noyade sont des méthodes difficiles à mettre en œuvre en conditions réelles, et présentent le risque de se blesser. Égratignures, coups de pied à l’aine, os brisés. Il en avait assez souffert.

Il avait manipulé chaque objet avec des gants. Tout son matériel. Il n’y avait rien qu’il eût touché autrement. Il avait regardé suffisamment d’émissions télé consacrées à des faits divers pour savoir que, de nos jours, les empreintes digitales ne sont pas la question. Des cellules de son épiderme risquaient de laisser suffisamment d’ADN pour qu’on monte un dossier à charge contre lui. Il ne voulait pas être pris. Il avait tant à faire ! Tant de gens encore dont il était nécessaire qu’il s’occupe.

Lily était secrète, appréciait la vie de famille et travaillait dur. Bientôt, il disposerait de la relique de la jeune fille, offerte à ses regards, à sa place parmi celles qui avaient exigé de lui un tel investissement.

Il vérifia la mince fiole d’huile de cannabis qu’il avait mis des semaines à constituer. Il en avait acheté de petites doses ici et là, plutôt que de courir le risque d’être repéré en payant pour une grosse quantité d’un coup. Cela avait été chronophage, mais utile. Après ça, la plus grande partie du processus avait été facile. Il n’avait rencontré qu’un seul pépin : quand il avait testé le résultat sur lui-même, il s’était retrouvé plongé dans un sommeil si profond qu’il en avait raté un jour de boulot le lendemain. Pas bon.