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Critique de Petitebijou


Pour entamer mon petit billet sur ce polar/pastiche de Pascal Fioretto, je pourrais pasticher à mon tour Bernard Pivot (évoquant « Comme neige au soleil » de W. Boyd), en écrivant : si ce livre ne vous fait pas rire, je vous rembourse. Mais je n'ai pas les moyens financiers de ce cher Bernard, et l'accès à l'humour étant à géométrie variable, ne tenez compte de ma proposition que sur un plan virtuel. Toutefois l'intention est sincère.
Ainsi donc, ce livre est un réel plaisir pour les amoureux de la littérature plus ou moins curieux et adeptes des auteurs français contemporains les plus médiatiques. le rire fusera même si vous n'avez pas lu les auteurs concernés, tant, même à votre insu, vous ne pouvez pas ignorer a minima leur personnage d'auteur, leur univers, que ce soit par leur omniprésence dans les médias les plus divers, soit par les adaptations cinématographiques de leurs romans, soit (et le plus souvent) par les débats houleux qu'ils suscitent à propos de leur succès que d'aucuns jugent hypertrophié par rapport à leur talent d'écrivain. Pour le prix d'un seul livre, vous rencontrerez DHL, Christine Anxiot, Mélanie Nothlomb, Pascal Servan, Anna Galvauda, Jean-Christophe Rangé, etc… je ne vous dévoile pas tout, les clones de qui vous pensez. Ce ne sont pas eux, les « vrais », mais cette vision fantasmée, subtilement caricaturale, qui met en scène leurs avatars, est d'une telle fidélité outrancière qu'elle révèle – et c'est le principe du pastiche réussi, leurs trucs et manies, dans ce qui pourrait n'être qu'un jeu de massacre s'il n'était pas sous-tendu avec évidence par un hommage débonnaire.
L'art du pastiche demande beaucoup de savoir-faire et d'intelligence. P. Fioretto ne s'est pas contenté d'aligner des chapitres brillants et drôles évoquant chaque écrivain ciblé, mais nous propose un polar insoutenable : une enquête du commissaire tourmenté Adam Seberg (tiens ? Ca vous dit quelque chose ?) sur les rapts successifs d'auteurs ayant le même éditeur (occasion supplémentaire de rire avec le petit monde de l'édition…).
Toute l'ambivalence délicieusement pernicieuse de l'ouvrage est là : existe-t-il plus bel hommage en définitive, tant chaque éclat de rire (et ils sont nombreux) atteste du soin avec lequel P. Fioretto a lu chacune de ses victimes ? Oui, c'est cruel, parfois féroce, mais c'est aussi attendrissant. Je préfère par exemple lire Christine Anxiot plutôt que Christine Angot, mais la première n'existerait pas sans la deuxième. Par ailleurs, si je n'avais pas lu l'original, certes dans la douleur, j'aurais moins apprécié le pastiche. Et puis, soyons honnête, nous lecteurs passionnés ne pouvons nier que même nos auteurs favoris les plus adorés ont leurs tics, que parce que nous les aimons nous nommons « leur petite musique » si familière, mais pour qui les détestent sont insupportables. Je pense notamment, puisque c'est d'actualité, à Patrick Modiano, que je retrouve avec bonheur chaque année, mais dont ici même on peut lire des critiques mettant en évidence ce qui est « toujours la même chose ». Finalement, nos histoires d'amour littéraires sont comme nos amours humaines : les défauts de l'être aimé, ses trucs, ne nous échappent pas, mais nous les pardonnons et même les trouvons attachants parce que nous les aimons. Et c'est aussi ce qui fait le lien. Jusqu'au jour où l'illusion amoureuse disparaît, pour un mot ou une phrase de trop, et survient la rupture. Peut-être ma prochaine lecture modianesque me sera ainsi insupportable, la petite musique muée en cacophonie, les errances nocturnes dans les fameux lieux interlopes ennuyeuses à mourir.Toutefois, considérant mes attachements littéraires, les auteurs ici pastichés sont à mon avis bien loin d'être incontournables. Pascal Fioretto nous dit « le roi est nu » mais reste un monarchiste convaincu. Il se donne le rôle de bouffon avec ce que cela suppose d'excès comique habilement dosé. Je me disais, tournant la dernière page, en songeant au prochain prix Goncourt, que si j'étais écrivain, à tous les prix je préfèrerais connaître la joie et la reconnaissance d'être pastichée avec autant de talent.
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