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Critique de afriqueah


Francis Scott Fitzgerald connaît la gloire à la parution de son premier livre. Il a 22 ans, s'empresse de dilapider les millions gagnés, de les boire en compagnie de Zelda sa femme.
Dilapider, se dissiper, disparaître.
Il est alcoolique, insomniaque.
C'est un grand écrivain.
(je note des petites expressions nous donnant rapidement une idée du monde extérieur : une lumière d'ardoise rose , l'air coupant de l'automne, l'heure ambrée. .… )

Parmi les 160 nouvelles, souvent alimentaires, qu'a écrit Scott Fitzgerald, 16 ont été regroupées dans le recueil « la fêlure », en suivant le fil autobiographique qui constitue son style.
Roger Grenier, dans sa préface, met l'accent sur le thème récurrent chez Fitzgerald : les fortunés, caste héréditaire, sont beaux, brillants, invulnérables. Vouloir entrer dans leur monde est une gageure qui aboutit à se sentir exclu par plus riches que soi. On nait riche, ou pas.

Dans La fêlure, l'exclusion semble être le sentiment dominant de Basil, le héros des 5 premières nouvelles. Il ne se sent pas à sa place; ses rêves de gloire, de puissance, d'amour, bovarysme d'adolescent, rêves déçus, espoirs cachés ne s'inscrivent pas dans le réel. Et même lorsqu'il s'en approche, il ne veut pas entendre en quoi il peut être glorifié ( le sport, sa beauté,). Les mains sur son genou,(p 100) les phrases élogieuses(p 268) ne sont pas suffisantes pour alléger un complexe dû non pas à sa non-fortune, mais à son être.
Plus compliqué, ses silences ou ses tirades le font paraître comme plein
de suffisance et d'orgueil. D'où rejet, d'où doute.de lui.

Il se sent exclu, comme certainement Scott, qui a vécu ce sentiment d'exclusion. Roger Grenier raconte que Fitzgerald, à la fin de sa vie, cherchant ses livres dans une librairie, ne rend compte qu'il n'existe plus. Ses livres sont devenus introuvables.

D'où à mon sens l'intérêt de ce recueil « la fêlure ». Une vie d'invitations, de sorties, de fêtes… qui ne peuvent apaiser la crainte de quoi ? Que cela finisse ? Qu'il ne soit pas le plus aimé de celle dont de toute façon il changera d'objet ? Que la vie ne sera plus jamais la même ?
Car la vie change, et les bons moments, pour Fitzgerald, ne se retrouvent plus. Il confie au lecteur son impuissance à écrire et dans la nouvelle éponyme, il évoque son premier chagrin d'amour, avec une femme qui s'est mariée à un plus riche et ses regrets. Il confie son coeur au lecteur.

Enfin, morceau d'anthologie, l'insomnie provoquée par un moustique, un « élément infinitésimal et imprévisible »qui réactive les doutes que l'auteur a de lui, sur ses actions, sur ses paroles, sur ses silences. Chercher le sommeil ne donne généralement pas la pêche.

Pour Scott, c'est un ravage.

« Désastre et cauchemar…. Ce que j'aurais pu être ou pu faire, qui est perdu, gâché, évanoui, irrécupérable. J'aurais pu agir ainsi, me retenir de cela, oser là où je fus timide, me montrer prudent là où je fus téméraire ».

Ce désastre, ce cauchemar, suscités par un insecte, révèlent le processus de démolition qu'est toute vie. La fêlure du moi n'a pas de rapport immédiat avec les malheurs qui vous adviennent. Elle est comme intrinsèque à la vie même. Fitzgerald campe encore et encore, comme un moustique autour de la lampe qui va le brûler, ce monde de millionnaires fêtards qui le rejettent, non pas bien que, mais parce que ils symbolisent le désastre de toute vie. Accents pascaliens.
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